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EAN : 9781117988634
336 pages
BiblioBazaar (04/04/2010)
2/5   1 notes
Résumé :
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Sans doute le roman le plus décevant de Victor Cherbuliez, dont la production est pourtant presque sans tâches… Ce romancier très inspiré et très élégant du XIXème siècle compte parmi les plumes les plus sophistiquées de son époque. Volontiers réactionnaire mais conciliant, ayant une inclination pour la haute bourgeoisie et l'aristocratie sans pour autant mépriser la roture, Victor Cherbuliez était l'archétype, voire le mètre étalon, du roman réaliste sur les moeurs provinciales de la Belle-Époque, à l'image de ses prestigieux collègues Georges Ohnet et André Theuriet.
« Samuel Brohl et Cie » démarre pourtant de manière assez attrayante, dans la petite station alpine de Saint-Moritz, au coeur de la région des Grisons, à l'est de la Suisse. Né lui-même à Genève d'une famille protestante d'origine française, Victor Cherbuliez était très attaché à son pays natal, même si sa vie et sa carrière se sont déroulées en France. Il nous décrit donc avec un indéniable enthousiasme et une passion sincère toute la région de Saint-Moritz qui sert de décor à la première moitié du roman, et qui en représente la meilleure partie.
D'origine francilienne, et appartenant à une haute-bourgeoisie chrétienne, la famille Moriaz, père et fille, passe régulièrement des séjours à Saint-Moritz, le père étant féru de randonnée en montagne; la fille, Antoinette, étant plus volontiers passionnée par les fleurs des cîmes, dont les fameuses edelweiss.
C'est en se promenant dans la ville qu'elle est repérée par le comte Abel Larinski, un aristocrate polonais lui aussi en villégiature. L'homme ressent un coup de foudre pour la jeune fille, mais pour des raisons mystérieuses, il ne va l'aborder qu'indirectement, en mettant en place une approche stratégique soigneusement réfléchie. D'abord, il fait livrer anonymement à son hôtel une corbeille d'edelweiss, à laquelle il joint une lettre le présentant comme un suicidaire venu à Saint-Moritz pour mettre fin à ses jours et qui a retrouvé goût à la vie en croisant Antoinette Moriaz, mais qui cependant, ne se fera pas connaître d'elle, se jugeant indigne d'une aussi sublime créature, qu'il tient néanmoins à remercier par cette corbeille de fleurs. Il y a là l'ébauche d'un mystère propre à intriguer un coeur de jeune fille...
Abel Larinski s'arrange ensuite pour suivre de loin le père Moriaz dans ses escalades. L'homme est vieux et bedonnant, il peut commettre une imprudence et le comte Larinski tient à lui venir en aide si besoin est, afin de lier connaissance sans avoir eu l'air de le chercher. le hasard sert ses projets : le père Moriaz se perche un jour sur une petite hauteur à flanc de montagne sur laquelle il est plus facile de grimper que d'en redescendre pour un homme qui n'a plus la souplesse d'antan. Terrifié par l'idée d'être bloqué sur cette hauteur, le père Moriaz voit avec soulagement un jeune homme venir vers lui. Athlétique et serviable, Abel Larinski attrape le père Moriaz à bout de bras et le dépose au sol. Il s'en fait un ami pour la vie !
Moriaz redescend à son hôtel accompagné de son sauveur qu'il présente à sa fille. On sympathise de part et d'autres, on se revoit, on passe des soirées ensemble à discuter. Avec habileté, Abel Larinski s'arrange pour oublier dans la chambre d'hôtel des Moriaz une note sans importance écrite de sa main. Il se doute qu'Antoinette la trouvera et remarquera qu'il s'agit de la même écriture que sur la lettre accompagnant la corbeille de fleurs...
De caractère simple et convivial, jouant son rôle d'exilé de Pologne (alors en guerre), Abel Larinski se montre un interlocuteur charmant, mais habité par une mélancolie secrète, qu'il attribue à l'éloignement sans doute définitif de sa patrie. Il ne cache pas que la plupart de ses possessions sont restées en Pologne, et qu'il vit très modestement, s'aliénant même à un régime spartiate, apprenant à vivre avec le moins d'argent possible et y trouvant une certaine liberté d'esprit. À aucun moment, il n'entre dans la peau d'un séducteur ou d'un coureur de dot, il donne l'image d'un homme solitaire et tourmenté, qui prend un sincère plaisir à se réchauffer au contact agréable des Moriaz avant de repartir vers so inéluctable destinée de nomade. Quand les Moriaz arrivent au terme de leur séjour à Saint-Moritz, ils prennent congé du comte Larinski en lui faisant très naturellement promettre de passer les voir à leur maison de Sannois, si jamais le comte passe par Paris.
Les quittant avant leur départ, Abel Larinski les précède à Paris, et monte jusqu'à Sannois pour voir à quoi ressemble la fameuse maison des Moriaz. Elle est fort cossue et elle lui plaît infiniment, autant que la douce Antoinette.
C'est là que le lecteur apprend que le comte Abel Larinski n'est pas vraiment celui qu'il prétend être. Son véritable nom est Samuel Brohl, c'est un Allemand issu d'un milieu rural et misérable. Alors qu'il n'était qu'un tout jeune garçon, il fut acheté à son père aubergiste par une touriste russe de passage, la princesse Gulof, une femme mûre ayant un goût pervers pour les jeunes garçons. Elle en fit son esclave sexuel et son serviteur. Au bout de quelques années, écoeuré par cette femme, il s'enfuit avec une partie de ses bijoux pour financer son évasion. Il vécut quelques temps d'expédients, et rencontra dans un hôtel le véritable comte Abel Larinski, qui était bel et bien un aristocrate polonais en exil et au bord de la ruine. Retiré du monde, vivant seul dans un manoir criblé de dettes dans la campagne autrichienne, le comte était un vieil homme qui voyageait peu, un déclassé débonnaire qui recherchait un serviteur à peu de frais pour l'assister et meubler sa solitude. Il fut pour Samuel Brohl un père plus digne que celui que la nature lui avait donné. Durant plusieurs années, le comte Abel Larinski pourvut avec ses maigres moyens à l'éducation du jeune Samuel, en lui racontant sa longue vie aventureuse et sa Pologne chérie. Puis un matin, Samuel le trouva mort : le coeur avait lâché.
Du fait de l'isolement quasiment complet du comte, nul dans les environs ne le connaissait vraiment. Samuel Brohl décida alors d'inverser leurs identités : il n'eut aucun mal, désormais adulte, à endosser le rôle du comte Larinski, et à faire croire que c'était son vieux serviteur Samuel Brohl qui venait de trépasser. Les frais d'enterrement réglés, il ne restait plus grand-chose au nouveau comte Larinski, qui abandonna son manoir aux mains de ses créanciers, et commença une vie nomade, en gagnant de quoi vivre et payer ses notes d'hôtel dans les différents casinos des villes qu'il traversait, car c'est un excellent joueur de cartes.
Il était authentiquement las et désespéré de cette vie sans attaches quand il avait croisé le chemin d'Antoinette Moriaz, dont la beauté l'avait ému, et qui était à la fois riche, seule et vivant auprès d'un père sympathique. Si Samuel Brohl est obligé de mentir sur son identité, il est relativement sincère sur le reste, et ne cache pas aux Moriaz son dénuement financier. D'où sa volonté de se faire aimer d'Antoinette par tout un tas de procédés romantiques et détournés, visant à faire passer au second plan sa pauvreté…
Malgré les grands efforts qu'il fournit, Samuel Brohl échouera à son projet, en partie à cause d'un rival, un ami d'enfance d'Antoinette qui a des vues sur elle, mais surtout à cause de la princesse Gulof, qui refait surface par hasard dans l'entourage des Moriaz et reconnait immédiatement son micheton voleur.
Si l'intrigue est assez passionnante, - d'autant plus que le personnage de Samuel Brohl n'est pas le cliché du manipulateur froid, mais un homme réellement épris qui doit composer avec sa fausse identité -, tout le souci de ce roman, c'est que les deux parties ont été rédigées probablement avec beaucoup de mois, voire d'années d'écart, et que Victor Cherbuliez a achevé son roman en ayant quelque peu oublié l'esprit initial dans lequel il l'avait commencé. Plusieurs incohérences en témoignent : le ton de l'écrivain et le caractère des personnages n'est pas le même à Saint-Moritz et à Sannois. Au début du roman, les Moriaz sont censés habiter à Cormeilles-en-Parisis. Plus tard, c'est au final à Sannois qu'ils vivent. Les deux villes sont limitrophes, mais ce n'est quand même pas la même ville. On semble avoir affaire à des variations par rapport au plan initial du roman qui n'ont pas été corrigées dans la première partie.
Il en résulte que tout le début du roman s'attache à nous présenter Samuel Brohl/Abel Larinski comme un héros romantique qui tente d'échapper à sa condition en se liant à une famille bourgeoise un peu superficielle, tandis que la deuxième partie en fait un intrigant cynique et antipathique, voulant profiter d'une famille honorable et respectable. Rien n'explique ce brusque changement de posture, d'autant plus que la deuxième partie semble quelque peu bâclée.
Ma théorie personnelle est que Victor Cherbuliez aurait démarré son roman avec l'idée d'offrir une fin heureuse à l'existence mouvementée de Samuel Brohl, mais se serait rendu compte – ou on l'aurait obligé à se rendre compte – qu'une telle histoire, faisant l'apologie d'un arriviste étranger parasitant une famille française, pouvait choquer le public de l'époque. Il aurait laissé son roman en plan, puis à la fin, excédé, l'aurait hâtivement conclu pour s'en débarrasser, en usant de cette grosse ficelle du retour surprise de la princesse Gulof. Peut-être aussi son éditeur l'a-t-il forcé à réécrire la fin de son récit, ce que Cherbuliez a fait de mauvaise grâce et sans s'en cacher.
Tout cela néanmoins laisse le lecteur sur sa faim, spolié de la "success story" annoncée, ébahi du changement de personnalité des différents personnages, et affligé par la morale rétrograde laissant entendre que c'est un bien grand crime pour un homme des bas-fonds que d'espérer s'élever dans la hiérarchie sociale. C'était en effet une mentalité d'inspiration monarchiste encore très en vogue à la Belle-Époque, mais qui ne correspond pas à celle de Victor Cherbuliez, lequel d'ailleurs, dans son roman suivant, « L'Idée de Jean Têterol » part sur une idée totalement opposée, en montrant un jeune paysan, humilié par l'aristocrate qui l'emploie, quitter le village, faire fortune en ville, puis revenir au village afin d'utiliser son argent pour faire exproprier l'aristocrate de son château. Une fin heureuse montre la paix enfin signée entre les deux belligérants grâce au mariage de leurs enfants respectifs, qui se sont aimés du premier regard et se moquent de leur différence de classes sociales. À la lumière de ce roman, publié l'année suivante, on peut comprendre qu'il y a véritablement un problème avec ce qui est exprimé dans « Samuel Brohl et Cie ».
Enfin, le titre du roman lui-même parait assez incompréhensible : de quelle "compagnie" est-il ici question ? Samuel Brohl est un homme seul, un enfant solitaire trop vite grandi. Aucun complice, aucun comparse ne l'aide dans sa conquête du coeur d'Antoinette. Sont-ce les Moriaz qui sont assimilés à cette compagnie ?...
Bref, Victor Cherbuliez a suffisamment publié de chefs d'oeuvre pour qu'on laisse de côté cet étrange collage disharmonieux, qui gardera hélas pour toujours les secrets de son mystère et de son incongruité. Il suffit de se souvenir que « Samuel Brohl et Cie » vaut surtout pour son premier tiers, qui décrit avec magnificence les paysages bouleversants de Saint-Moritz et de ses alentours.
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
Un cœur de femme se croit à la merci d'une erreur, et c'est un supplice pour lui de douter de lui-même et de sa clairvoyance. Quand on lui démontre que son dieu est une idole, qu'il doit mépriser ce qu'il adorait, il se sent mourir, et il s'imagine qu'un ressort vient de se briser dans la vaste machine de l'univers, que le ciel et la terre vont crouler, et cependant une erreur de femme n'a pas des conséquences si graves. Le soleil continue de luire, la terre ne cesse pas de tourner. La machine de l'univers serait sujette à trop d'accidents, si elle se détraquait toutes les fois qu'une femme s'abuse.
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Le sage doit savoir s'enfermer dans sa cellule et défendre contre le monde la fière solitude de sa conscience. Le mal est que la solitude prolongée finit quelquefois par fausser l'esprit et que le régime cellulaire produit souvent des fous. Si grand que soit un homme, c'est si peu de chose qu'un homme tout seul.
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