Eh bien c'est raté.
Ce que je reprochais au premier tome imprègne tout autant ce second, au point que je ressors de ma lecture non seulement sceptique, mais agacée. La froide distance maintenue avec les protagonistes, l'artificialité pénible du récit, l'invraisemblable de certaines situations et surtout, l'omniprésence d'Aldemor ont raison de ma patience : j'abandonne.
J'admettais ressentir un ennui profond au sujet du prince ; j'y rajoute le mépris qui, vous conviendrez, rend plutôt laborieuses les pages et les pages sur sa petite personne. En lui, ni pathos ni panache, que la pauvreté de sa personnalité - ses plaintes et ses plaies n'ont su effacer de mon esprit la barbarie de ses actes, le rendant insignifiant, lâche et toujours plus soporifique. Toute rage, tout traumatisme qui le hante en paraît risible. J'attendais, et attendais, et attends encore l'horreur, l'innommable qui le révélerait tragique... il n'en a rien été. À la place, et comme toujours, c'est les femmes qui trinquent pour attrister les hommes.
Ce n'est pas tant la violence du propos qui m'échappe, mais l'émotion. Aldemor ne demeure qu'un nom inscrit sur le papier, sans souffrance réelle, sans âme, sans vie. Ainsi égrenés, passé et vengeance sonnent faux : les personnages se taisent face à leurs propres journaux*, s'épanchent dangeureusement dans leurs lettres, content les faits avec une précision déroutante. Ils n'existent que pour les yeux du lecteur, incapables de s'adresser les uns aux autres, de réagir avec humanité. Dictées par l'intrigue, leurs attitudes semblaient grotesques, comme cet empereur apparemment répugné par les femmes, attiré par ses jeunes otages, cependant n'accueillant que les premières et ne touchant aux seconds . À quoi cela rime-t-il ? Quel sens cela a-t-il, à part épargner notre « héros » quand cela, enfin, aurait éclairé ses motivations ? Qui sont tous ces gens qui lui pardonnent, ou le tolèrent, tous ces gens qui le préfèrent, lui, mille fois meurtrier ? Qu'a-t-il à offrir à son peuple, à sa compagne, au lecteur que la fantasque Calvina et l'ingénieuse Malvane ne sauraient surpasser ?
(*La candide franchise du regretté Brênemir aurait été la bienvenue, aha.)
M'intéressaient en effet, à l'issue du premier tome, l'avenir des princesses et leurs Suivantes, les responsabilités qu'elles devaient endosser et les fragiles relations qui les liaient encore. On oublie, hein. Seules quelques lettres des Suivantes nous apprennent - par à-coups de plusieurs mois - leur devenir, résumé au possible. La vérité c'est que le plus juteux, dans cette histoire, a été évacué par une ellipse de deux ans entre les tomes. Tout ça au profit de qui ? oui, Aldemor et la vengeance insensée qu'il planifie avec Cathelle.
Soupir.
(Pourtant, j'ai trouvé saisissant le passage écrit par Nersès, mère de Cathelle ! Quel dommage qu'il ne soit qu'un incident isolé...)
Sans la passion des personnages pour me captiver, univers et intrigue ont vite semblé se détricoter - les Chats, par exemple, quasi-surnaturels et soudain peuple dont la culture serait restée inchangée au fil des siècles ; le roi qui envoie son gamin à la guerre à cause, donc, d'une niaise promesse amoureuse ; les rebondissements un brin convenus que j'ai su présager, de l'inceste à l'idylle contrariée du prince à la résurrection inopinée de sa chérie , s'ils ne laissaient pas un peu à désirer l'Aldemor qui se faufile dans le camp des Chats et parvient à blesser Lufthilde, c'est un peu gros. Ou, en m'avançant un peu, l'idiotie passée et présente de beaucoup de personnages, en premier lieu GIM et toute l'armée qui suit sans broncher un jeune homme visiblement enragé, ayant été éduqué plusieurs années hors de leur pays, possiblement violenté, et leur ordonne de provoquer des boucheries ! Plus, Névée impératrice qui refuse de pourchasser son chéri génocidaire ! Celle-là, j'avoue, elle m'a achevée. C'est quoi ces gens, enfin ?!
...non, vraiment, mieux vaut s'arrêter là.
Commenter  J’apprécie         00