Donc mon père nous exploitait. Le patron du café lui aussi m’exploitait, car j’ai su qu’il y avait d’autres garçons mieux payés que moi. J’avais décidé de voler toute personne qui m’exploiterait, même si c’était mon père ou ma mère. Je considérais ainsi le vol comme légitime dans la tribu des salauds.
Abdelkader pleure de douleur et de faim. Je pleure avec lui. Je vois le monstre s’approcher de lui, les yeux plein de fureur, les bras lourds de haine. Je m’accroche à mon ombre et crie au secours : « Un monstre nous menace, un fou furieux est lâché, arrêtez-le ! « . Il se précipite sur mon frère et lui tord le cou comme on essore un linge. Du sang sort de la bouche.
J’avais déjà vu son mari la battre, elle et ses enfants, comme mon père le faisait, mais avec plus de violence, avec nous. Je l’avais vu aussi embrasser ses gosses et parler avec douceur et tendresse avec sa femme. Mon père, lui, criait et frappait.
L’effort physique est plus aisé que l’effort de pensée.
Moi aussi, quand je serai grand, j'aurai une femme. Le jour je la battrai. La nuit je la couvrirai de baisers et de tendresse. C'est un jeu et un passe-temps amusants entre l'homme et la femme.
J'avais décidé de voler toute personne qui m'exploitait, même si c'était mon père ou ma mère. Je considérais ainsi le vol comme légitime dans la tribu des salauds.
La vue de ce sang qui coulait abondamment sous la pluie et que le sable buvait me fit horreur. La pluie me parut comme des veines humaines qui se vidaient.
C'est quoi vouloir la vie ? Cela veut dire que si un peuple ou un homme est opprimé, s'il est en esclavage et s'il veut se libérer, Dieu répond à cette volonté, comme l'aube répond et comme les chaînes se brisent grâce à la volonté de l'homme.
Passer sa vie dans ce lieu, entre ces murs, dans cette misère ? Jouer nos rôles, ceux qui composent notre vie, les jouer jusqu'à la lie, jusqu'au dégoût, jusqu'à avoir la nausée de notre passé et de notre présent. On finira par atteindre le silence éternel, disparaître les uns après les autres.
Je regardai la mer par la petite fenêtre. Un ciel de nuages. Une mer perturbée. Au loin passaient les navires. Je la sentis juste derrière moi. Elle me communiquait sa chaleur.