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3,68

sur 343 notes
L'écriture de Mohamed Choukri est comme une lame tranchante où les sentiments sont étalés à vif.

Dans cette narration initiatique autobiographique, le langage du romancier marocain, à la fois cru et poétique, n'a d'égal que les épreuves de sa vie dans une extrême pauvreté imbibée de violence, de délinquance, des drogues consolatrices et de prostitution compensatrice.

Dans le pain nu, l 'analphabète devenu l'un des écrivains majeurs de la littérature marocaine actuelle se livre dans un style brut, crachant les mots de la misère, de la haine, de la colère, de l'envie de vengeance et de revanche.

« Seul dans le miroir de son âme » Mohamed Choukri ouvre son coeur et son âme sans aucun artifice.


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Le "Pain nu"est un roman de l'écrivain marocain Mohamed Chouikri ( 1935-2003 ) . Son auteur a connu une enfance dure car issu d'une famille pauvre, nombreuse qui vit sous le joug d'un père cruel et violent qui n'a aucun once de pitié pour sa progéniture d'ailleurs cette dernière le déteste. Pour fuir la misère, la famille quitte le Rif pour Tanger. Mohamed quitte sa famille à l'âge d'onze ans. Il se familiarisera avec la vie des bas-fonds. Il s'adonnera à la prostitution, le vol et connaîtra les mauvaises rencontres. Mohamed est analphabète ne sait ni lire ni écrire .
A l'âge de vingt ans, il fera la connaissance des écrivains Paul Bowles, Jean Genet et celle de Tennessee Williams. Cela constitua un grand stimulant pour Mohamed pour s'instruire et se cultiver . Il deviendra un écrivain célèbre .
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Il faut lire - le pain nu - avec à l'esprit les mots de Bernanos :« le monde va être jugé par les enfants. L'esprit d'enfance va juger le monde. »
Car ce monument de la littérature marocaine et maghrébine ( le livre a été traduit en 39 langues ) est un marqueur littéraire, sociologique, historique et politique.
Ce livre censuré n'a pu être lu dans le pays de naissance de l'auteur qu'en 2002... alors qu'il avait été traduit dès 1973 en anglais ( For Bread Alone ) et en français en 1980.
Notons cependant qu'il avait fait l'objet d'une brève parution au Maroc entre 1982 et 1983... mais censure oblige, il lui fallut vingt années et l'accession de Mohamed VI au trône pour pouvoir faire son entrée dans les foyers marocains.
Il faut dire que ce livre était, compte tenu de la période où il fut écrit et publié, de la nitroglycérine.
Tout ce qui pouvait remettre en cause l'ordre établi, tant au niveau des colonisateurs que des colonisés, tout ce qui avait trait aux bonnes moeurs prêchées par le pouvoir et par le Coran... tout était battu en brèche par les yeux d'un enfant confronté à l'injustice, à l'hypocrisie et aux mensonges d'un monde auquel il devait se soumettre au nom de la France, de l'Espagne, du roi et d'Allah ( cette énumération n'est pas hiérarchique... chacun peut mettre le roi, Dieu et le pays protecteur à la place qu'il entend lui assigner...).
La famille miséreuse de Mohamed Choukri quitte ses montagnes natales pour échapper à la grande famine du RIF ( 1941-1944 ).
Mohamed a six ans.
Il est le fils aîné d'une famille dans laquelle se côtoient un père violent... qui ira jusqu'à l'infanticide en étranglant son fils cadet malade... une mère qui fait tant bien que mal survivre la famille en enchaînant les grossesses.
Ces exilés vont traîner leur misère de leurs montagnes jusqu'à Tétouan, Tanger et Oran.
Mohamed va grandir entre les coups d'un père honni, le ruisseau, les petits boulots, les mauvaises fréquentations, la délinquance, l'alcool, la drogue, les bordels, la prostitution, la prison et à plus de vingt ans l'école où il apprendra à lire et à écrire ; réparation tardive mais salvatrice.
Tout est transgressif dans cette oeuvre, à commencer par la sexualité.
Ce vagabond, ce va-nu-pieds est très tôt tiraillé par d'irrépressibles pulsions sexuelles.
« Peu à peu j'allais être envahi et obsédé par mon sexe. »
Pour l'époque et dans un pays où le Coran guide les âmes et le corps, Mohamed est un déviant.
Il trouve le soulagement auprès de divers animaux : « Mes femelles n'étaient autres que les poules, les chèvres, les chiennes, les génisses… La gueule d'une chienne, je la retenais d'une main avec un tamis. La génisse, je la ligotais. Quant à la chèvre et à la poule, qui en a peur ?… ( on peut se référer et l'auteur le fait au roman de Gavino Ledda - Padre Padrone -).
Puis l'errance, la misère sexuelle aidant, et la misère tout court... c'est le viol d'un gamin plus jeune que lui : "Je le caressai. Mon envie était puissante et folle.
- Dis, je n'aime pas ce genre de choses.
Je le suppliai des yeux. Il essaya de se lever. Je le retins de force. Mon corps tremblait de plaisir. J'étais fou de désir. Il se détacha et voulut s'enfuir. Je m'agrippai à ses jambes et montai sur lui. Je le possédai. Il était à moi."
Outre les animaux, les enfants, les femmes, son instinct sexuel le pousse vers l'homosexualité : « Antonio était beau. Les yeux maquillés, du fond de teint sur le visage, la poitrine naissante comme celle d'une jeune fille. Son pantalon lui serrait les fesses. »
Et presque naturellement, cette même misère, ce même monde bestial où la pauvreté se vend et s'achète, le mènera dans les bras d'un "vieux pédéraste" : "Je respirai un air pollué et pensai : cinq minutes. Cinquante pésètes. Est-ce une pratique particulière aux vieillards ? Un nouveau métier parmi d'autres, en plus du vol et de la mendicité. Je sortis le billet de cinquante pésètes et l'examinai. Ce sexe, lui aussi, peut contribuer à me faire vivre ! Il travaille et prend du plaisir. Je repensai au vieillard. Trouve-t-il le même plaisir à sucer la verge d'un garçon que moi à embrasser les seins des femmes ? Suis-je devenu un prostitué ?"
Oui, il est devenu un prostitué ce qui ne l'empêche pas de fréquenter assidûment les bordels et de partager la vie de quelques-unes de ses pensionnaires.
Ce livre sobre, cru, honnête nous confronte à l'enfance sacrifiée sur l'autel de la violence, de la fange dans laquelle doit s'essayer à survivre " le peuple d'en bas ".
Il n'y a pas d'école pour ce gamin sinon celle de la vie... et comme cette vie est placée sous le signe de la loi du plus fort, incarnée par un père infanticide, amoral, bestial... l'exemple donné et son enseignement seront à son image : bestiale, amorale, sanguinaire, violente, crapuleuse.
Heureusement le livre se termine sur une note d'espoir.
Mohamed Choukri va "arriver premier à un concours de circonstances" et pouvoir rejoindre une école d'un genre particulier.
Sans elle ce livre n'aurait jamais existé et Choukri ne serait pas devenu un des écrivains les plus lus dans le monde Arabe... et ailleurs.
Un indispensable qui fait revivre des êtres, des villes une époque.
Depuis, le monde a changé... croit-on...
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Le Pain Nu est le premier récit autobiographique de l'auteur.

La première partie du livre est consacrée à son enfance dans le Riff, région pauvre du Maroc - surtout au début du 20ème siècle. On comprend très vite que Mohamed Choukri n'est pas né sous une bonne étoile et le peu qu'il a eu pourrait servir à un manuel de sociologie - du type "comment mal démarrer dans la vie" ou pour utiliser des mots plus savants : le déterminisme social et schémas de reproduction sociale.
Dans ces premiers chapitres, la misère morale, économique et sociale est l'invitée invisible de la famille. Et avec la misère, sa compagne la violence ne tarde pas à se montrer … le père, soldat dans l'armée espagnole, déserte, est rattrapé et mis en prison. La mère est une femme battue. Et un jour, le père tue le petit frère de Mohamed, chose dont l'auteur ne se remettra jamais et qui alimentera sa haine de la figure paternelle.
Ce "trop plein" de violence domestique sera à l'origine de la fuite de Mohamed et de son errance dans les bas-fonds des villes où il échoue.

En revanche, arrivée dans la partie de l'adolescence… On tombe dans le " kif , alcool et prostitution ". Et là … c'est LONG ! C'est répétitif , à tel point qu'on dirait volontiers à l'auteur " on avait bien compris la première fois". le récit de ces expériences est livré dans une langue rêche et parfois crue qui augmente la lassitude du lecteur - même le mieux attentionné. Bien sûr, ce type d'écriture ajoute à la violence qui nous est narrée, mais était-ce nécessaire ? Pour ma part, je dirais que les faits parlent d'eux-mêmes - mais cet avis n'engage que moi.
Au final, la multiplication des visites au bordel n'amène rien de plus dans la narration , et la fin arrive comme une délivrance.

Malgré ça, le livre fini quand même sur une note d'espoir qui suscite la curiosité du lecteur. A sa sortie de garde à vue, Mohamed admire et envie un de ses amis, un érudit, qui lui parle du Coran aussi bien que des nouvelles du journal. de quoi attirer l'attention de tout " livrophile " qui se respecte.
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Ecrit en 1973
Le Pain nu a un statut important dans la littérature arabe, car il est l'un des premiers livres qui touche des thèmes tabous dans la société maghrébine de l'époque, comme la drogue, la violence ou la sexualité

. Il raconte l'enfance et l'adolescence de Mohamed, qui a suivi sa famille dans son exode depuis le Rif jusqu'à Tanger. le recit reprend la figure du père, figure , alcoolique, virulent, . Mohamed sombre peu à peu dans l'alcool et la drogue. Il connaît la vie des rues et décrit la violence qu'il vit au jour le jour. Il fréquente le milieu de la prostitution. La description de ses fantasmes sexuels, à propos de viols de jeunes filles, ou bien de son viol d'un jeune garçon, sont les passages qui expliquent la censure du texte. Les passages descriptifs présentent au lecteur le Maroc des années 1930 aux années 1950, mentionnant la domination française et les troubles qu'elle engendre, la soumission au régime espagnol, ou bien la famine qui fait des ravages dans le peuple marocain. La fin du roman voit Mohamed, analphabète jusqu'à ses 20 ans, demander à entrer dans une école pour apprendre à lire et à écrire.
Un roman captivant tout simplement.
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Dans ce roman autobiographique, Mohamed Choukri raconte son enfance et son adolescence au Maroc. L'auteur n'a pas été gâté par la vie : issu d'une famille très pauvre qui subit de plein fouet la famine en cours dans le pays, battu par un père tellement violent qu'il finira par tuer son petit frère dans un accès de rage, exploité dans tous les petits boulots qu'il trouvera.

Mohamed se tourne alors vers les consolations habituelles : drogue, alcool, sexe. Ces occupations le porteront naturellement vers le monde de la contrebande. Manquant d'autres références, il reproduira le comportement de ses parents, le seul intelligible à ses yeux.

Le livre a été censuré à sa sortie au Maroc jusqu'en 2000. Choukri aborde en effet tous les thèmes dont on ne doit pas parler. le récit est certes très dur, mais tourne quand même vite en rond, malgré ses 150 pages seulement.
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Ce roman est une autobiographie singulière par le fait que son auteur n'ait appris à lire qu'à 21 ans, l'âge auquel on le quitte à la fin de son récit. le livre a été interdit au Maroc et pour cause, il dénonce de façon crue et sans aucun artifice l'injustice sociale, la violence de cette société, l'existence d'une prostitution courante mais cachée, et de plus il s'attaque à l'image sacrée du père et de la famille. L'histoire commence alors qu'il n'a que 6 ans, il vit dans le Rif qui subit alors une famine destructrice, nous sommes dans les années 40. le pain nu est le récit d'une enfance misérable, misère sociale, affective, educative et bien sûr matérielle. Une mère impuissante face à la violence de son mari, un père haineux, barbare et pervers qui ancrera chez son fils une colère envahissante qui l'habite comme une possession. La sexualité semble être le seul échappatoire ponctuel et récurrent à ce démon intérieur.Sa libido est presque compulsive. Et pourtant elle n'est pas dénuée également de poésie, le regard que M.Choukri porte sur les femmes est proche de la fascination et il y a de très belles images. S'il ne parle jamais d'amour on sent pourtant que ces rapports charnels sont bien plus que cela mais qu'il n'est pas permis d'en prendre conscience ou de s'avouer une quelconque faiblesse. Sa vie est jalonnée de violence, d'érrance, de faim, de peur. On termine la lecture sur l'ouverture vers un autre possible puisqu'un ami lui remet une lettre afin qu'il puisse se présenter dans une école afin d'apprendre à lire.
La préface de Tahar BenJelloun est très belle et introduit ce texte dans un profond respect de l'auteur.
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Texte poignant où Mohamed Choukri raconte la misère de son enfance dans un texte "nu" et cru. Une existence sordide dont il est réellement miraculé. C'est un témoignage bouleversant qui permet au lecteur de plonger dans un univers choquant et méconnu pour la plupart des gens.
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Le Pain nu m'a été conseillé par une amie marocaine, qui m'avait prévenue quant au style de l'auteur : épuré de toute atténuation, le texte révèle sans pudeur la vie de l'auteur. Récit autobiographique, ce court roman frappe par la langue utilisée,qui décrit sans ambages l'enfance et l'adolescence de Mohamed Choukri entre Tanger et Oran, entre père violent et prostituées attirantes, entre désir d'assouvir ses pulsions sexuelles et la nécessité de trouver de quoi manger dans les bas-fonds du Maroc alors occupé et régi par la France.
Ce livre happe par la vision désabusée qu'il propose, et suscite chez le lecteur compassion et dégoût d'un monde que l'on se refuse souvent à admettre...Une lecture qui ne laisse pas indifférent !
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Le Maroc, ses gens accueillants, ses riads, ses marchés colorés qui fleurent bon les épices, ses plats abondants et roboratifs...
Bon, soyons clair, ça n'est pas ce Maroc des touristes que nous décrit ici Mohamed Choukri. Au contraire : il nous montre le Maroc hors des cartes postales : la misère, l'analphabétisme, la prostitution, les violences faites aux femmes et aux enfants, la pédophilie quasiment endémique.
Le Pain nu est une courte biographie du jeune âge de l'auteur, sa génèse, en quelque sorte. C'est cru, tranchant, sans fioritures et efficace : un petit livre mais une grande oeuvre. Et si ça ne tenait qu'à moi, sa lecture devrait être obligatoire pour quiconque veut faire le touriste au Maroc.
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