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Citations sur Crash-test (8)

Des femmes aux yeux coquillages trébuchent dans les ruelles, leur nudité confiée à des fourrures dont il n'ose solliciter la voracité. Adossés aux lampadaires, des marins fument en tapant du pied, comme s'ils pompaient la terre pour qu'elle gonfle et décolle et les emporte. Régulièrement, des marches délaissent le trottoir, et leur velours coule jusque sous terre, vers des seuils dissimulés aux regards, attirés par la palpitation de rideaux qui, chaque fois qu'ils s'écartent, laisse échapper des miaulement qu'on espère humains. Il finit par descendre, lui aussi, car plus rien en lui n'a la force d'hésiter.
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Elle était autre chose, n’en doutons pas, et sa légende la précédait afin qu’elle n’en soit que l’insolente confirmation. Ceux qui l’admiraient de près, cravate dénouée, poches retournées, se sentaient plus seuls qu’un sexe d’homme dans la poigne d’une femme qui vous sent favorable à l’idée de viol et cache une lame de rasoir entre ses dents. Ceux qui l’avaient aimée de leurs phalanges crispées, de leurs gros doigts bourgeois, ceux qui avaient mouillé du gland et des yeux quand, aux accents du saxo qui pourtant n’avaient rien de salace, elle s’avançait du pas de celle qui piétine, à chaque baiser-semelle, la main du mâle, ceux-là sentaient bien qu’elle ne les aimait pas, pas comme ils l’auraient voulu. Et ils comprenaient à l’instant t de sa disparition, quand les ronds de couleur cessaient de batifoler sur sa silhouette telle de la sonnaille, qu’elle venait en ces lieux pour détruire ce secret qu’ils croyaient si bien gardé – à savoir que leur désir n’était que frousse. Et s’ils avaient eu l’ouïe fine, ils auraient entendu le claquement de son G-string en coulisse, sa manière à elle de leur dire adieu, le son d’une fronde venu parapher leur éviction hors du monde – ce monde que pendant onze minutes elle avait fait semblant de respecter, de magnifier. Elle crevait leurs nuits comme si ces dernières étaient des cerceaux de foutre, dont ils recueillaient, tard le soir, les débris scintillants dans leur mouchoir, tandis que leur épouse souriait en feignant de feuilleter un catalogue de mode. Ils se sentaient alors complices de cette jouissance nauséabonde qui rappelle au maître que, parfois, la trique est boomerang.
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AU COMMENCEMENT ÉTAIT L’ACCIDENT. Il le sait, l’a toujours su, et ce depuis sa naissance dans les entrailles d’une clinique d’abattage où, à toute heure du jour et de la nuit, sous des traînées de néons, les ventres béaient et se contractaient au rythme du sang pulsé, les matrices saturant l’air d’ondes et de cris qu’aussitôt recrachés les avortons aspiraient goulûment, leurs yeux d’agoutis brûlés par l’incandescence des lampes, avant d’être secoués, rincés, palpés, intubés pour certains, cajolés pour d’autres, carambolés de salle en salle dans l’urgence de leur salvation ou bien chrysalidés dans du linge empestant le dakin, la scène se répétant inexorablement tandis qu’au-dehors, là où vivre était devenu coutume et châtiment, hurlaient les sirènes, celles des ambulances piaffant au seuil des urgences, et celles de la ville célébrant une fois par mois la possibilité du chaos.
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Entre 1970 et 1972, la rue apprend à recevoir des ordres. Le 4 juillet 1970, l'Assemblée promulgue une loi faisant du piéton, en cas de troubles, un émeutier, pour ainsi dire par capillarité, ou contagion, toute présence au sein des turbulences étant assimilée juridiquement à une forme de complicité, comme si occuper, même provisoirement, l'espace de la rue, d'une rue d'abord terrain de jeu, puis lieu d'affrontements, où chanter et déboulonner, et enfin zone de victoire, de parole, revenait à s'en réclamer le maître, ou du moins le prétendant, ou comme si l'air que traversaient slogans et cocktail, pour peu qu'on le respire, risquait d'infecter moins les poumons que le cerveau et d'entraîner, à force de familiarité, un goût pour la sédition, un appétit du chaos.
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AU COMMENCEMENT ÉTAIT L'ACCIDENT. Il le sait, l'a toujours su, et ce depuis sa naissance dans les entrailles d'une clinique d'abattage où à toute heure du jour et de la nuit, sous des traînées de néons, les ventres béaient et se contractaient au rythme du sang pulsé, les matrices saturant l'air d'ondes et de cris qu'aussitôt recrachés les avortons aspiraient goulûment, leurs yeux d'agoutis brûlés par l'incandescence des lampes, avant d'être secoués, rincés, palpés, intubés pour certains, cajolés pour d'autres, carambolés de salle en salle dans l'urgence de leur salvation ou bien chrysalidés dans du linge empestant le dakin, la scène se répétant inexorablement (...).
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Vous aviez des projets ? Vous rêviez d’instants qui soient comme des privilèges, d’omoplates que laque et dore la claque du soleil ?
Tirez un trait ————————— et sur ce trait n’essayez même pas de marcher. Le monde envahit votre viande, débusque les os, les libère. Sud Radio vous annonce un remaniement, ça tombe bien. Vous êtes remanié. Adieu le repos et adieu la lecture du journal au café, la serveuse aux talons qui cliquent ne viendra plus, le café dans la tasse jamais ne tiédira, il n’y aura pas de jour de marché, pas de baiser sous les lampions, vous avez choisi la route, or la mort fait de l’auto-stop, et son pouce est un pieu sur lequel s’empaler. N’espérez pas survivre, prenez le temps de mourir, pensez à tout et à rien, laissez flétrir vos devenirs dans ce tambour de machine à laver qu’est devenue votre Peugeot ou votre Simca, regardez ! le ciel se dérobe ! les champs s’interposent ! et voilà qu’un arbre, dans sa générosité de bois, désigne déjà du bout de sa branche le nid de votre crâne. Comment rester immobile quand on est en feu ?
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IL TRAVAILLE DEPUIS AOÛT 72 pour un fabricant d’automobiles. Il teste la résistance des habitacles, au gré des heurts, à l’aide de cadavres. Il dirige le département crash-test et touche un smic et demi.
Les crash-tests, c’est l’enfer à la merci du millimètre.
Le temps ? l’espace ? les échappées belles ? l’ivresse de la vitesse ?
Oublie. Tes chances de survie sont désormais très très faibles, car tu es né à même l’accident, et dans l’accident tu disparaîtras, tel un Spartiate à l’heure thermopyles.
Son travail : recréer artificiellement les conditions du désastre. Emboutir, broyer, déformer, puis détacher, détailler, analyser et, autant que possible : remédier. Mesurer tout ce qui rompt, gicle, s’embosse, cède. Recommencer, des dizaines, des centaines de fois, en modifiant systématiquement les paramètres du choc. De la chorégraphie, ou presque. Éprouver les variables. Contrarier les élans. Bref.
Le crash-test, c’est :
• l’étude du comportement de l’habitacle et de ses spectres.
Autrement dit :
• l’étude du monde et de ses particules.
Une physique de l’enfermement, quand le corps tressaute et absorbe la vitesse au cours d’un bing bang de métal, d’isorel et de chair.
Il convient d’ausculter la destruction et ses lois, pour mieux les saisir, les dompter. L’accident est un défi, la mort un malus. Les plaies diront qui a eu tort.
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Pareille à une maladie, la croissance le déforme et l'abrutit, nauséeuse jusque dans ses victoires. Il se gorge de mots, se bourre d'images, s'enfle de sons, car son éducation est affaire de baudruche: on l'emplit, il étouffe. La vie s'est vengée. ll n'a plus qu'à exister.
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