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Critique de boudicca


Un road-movie en fauteuil roulant, ça vous tente ? Parce que c'est justement ce que nous propose « L'Évangile cannibale », un roman décapant qui redonne un sacré coup de fouet aux histoires de zombies traditionnelles. Après la fantasy, l'uchronie, le space-opéra ou encore la bit-lit, Fabien Clavel se lance donc avec un enthousiasme contagieux dans le post-apo.

Mais attention, si les morts-vivants sont bien présents et s'il y est bien question de survivre dans un monde ravagé, l'auteur bouleverse tous les codes du genre en choisissant pour protagonistes un groupe... de vieillards. Faire du post-apo avec des vieux, avouez qu'il fallait y penser ! Nous voilà donc lancé sur les traces de douze résidents d'un mouroir parisien qui ont miraculeusement échappé à l'épidémie et qui se décident à s'aventurer dans les rues de la capitale, équipés de leur fauteuil roulant dernier cri et de plusieurs paquets de couches absorbantes. La situation donne évidemment lieu à des scènes rocambolesques qui changent radicalement de celles que l'on a l'habitude de trouver dans ce type de récit. La seconde originalité de l'ouvrage réside en le choix du décor. Oubliez les États-Unis, découvrez Paris version zombie : les Galeries Lafayette abandonnées, l'Opéra Garnier reconverti en hôtel de fortune, le Champ de Mars bombardé, le jardin du Luxembourg devenu Jardin d'Éden... Outre le fait que les lieux parleront davantage aux lecteurs français, le choix de l'hexagone comme cadre de l'histoire possède également l'avantage de limiter l'accès des survivants aux armes à feu, habituellement le joujou préféré des personnages pour dégommer du mort-vivant, qui sont pour une fois totalement absentes.

Mais l'originalité du scénario ne fait pas tout, car que serait une bonne histoire de zombies sans des survivants à la hauteur de l'épreuve qui les attend ? Et de ce point de vue là, Fabien Clavel nous a gâté ! On a donc Jacky, un néo-nazi dont les années n'ont rien entamé de la colère à l'égard de tout ce qui n'est pas blanc aux yeux bleus ; Maglia, seule membre féminin du groupe atteinte de la maladie d'Alzheimer ; Yan, colosse et ancien motard qui ne s'exprime plus guère, si ce n'est en poussant la chansonnette (et attention, seulement de la variété française !)... Et pour compléter ce casting de rêve : Mathieu Cirois, notre narrateur qui, malgré ses quatre-vingt dix ans, a encore de la niak à revendre ! Un narrateur d'un genre un peu particulier car, s'il se définit lui-même comme un « salopard » (et les événements ne tarderont pas à lui donner raison...) Mat semble également développer au fil du récit une forte tendance à la paranoïa. Difficile avec ce seul point de vue de se faire une réelle idée de la situation, et c'est justement là que Fabien Clavel se distingue à nouveau de ses petits camarades. Ajoutez à tout cela un style particulièrement cru et un humour noir incisif qui permet de faire passer les pires atrocités, et vous obtenez un mélange détonnant qui m'a totalement conquis et qui ne laissera personne indifférent.

Outre toutes les qualités déjà évoquées, le roman a également l'avantage de proposer une réflexion intéressante sur plusieurs aspects de notre société, à commencer évidemment par la place que l'on accorde aujourd'hui à nos anciens. Les premiers chapitres consacrés aux conditions de vie des personnes âgées en milieu hospitalier sont glaçants de réalisme et de cynisme et ont le mérite de mettre le doigt sur l'une des plus grande honte de nos sociétés occidentales. La volonté de l'auteur de faire de ces hommes et femmes vulnérables et jugés bons à mettre au rebut les héros d'une aventure impliquant des morts-vivants n'en a que plus de sens. Comme toujours chez Fabien Clavel, le roman fourmille également d'une multitude de clins d'oeil, aussi bien à ses précédents romans (« Furor » ; « Le miroir aux vampires ») qu'à l'histoire, la musique ou encore la littérature. Formation classique oblige, on retrouve à de multiples reprises des références à de grandes oeuvres littéraires telles que « Les Misérables » ou encore « Don Juan » (héros d'un autre roman de Clavel, « L'Antilégende »). Enfin, les connaisseurs de l'évangile de Mathieu (si si , il doit bien y en avoir...) ne manqueront pas de s'amuser à comparer les deux textes, le roman reprenant dans l'ordre chronologique inverse tous les épisodes du récit biblique.

Avec « L'évangile cannibale » Fabien Clavel signe un roman post-apo d'une grande originalité et qui n'hésite pas à malmener les codes du genre, le tout pour le plus grand bonheur du lecteur qui se laisse prendre au jeu avec enthousiasme. Paris, des zombies, des vieux, du gore, du cynisme... : un sacré cocktail que l'auteur a dosé à la perfection et auquel on voudrait bien encore goûter !
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