Si les gosses ont une chose pour eux, c'est leur petite taille.
-Respecte les règles.
Puisant dans ses maigres forces, Laurel parvient à reculer et à s'asseoir. Inconsciemment, elle essuie ses lèvres barbouillées de vomi puis fixe Elle.
-Quelles règles ?
Les yeux d'Elle, sombres comme le gouffre dans lequel craignait d'avoir chuté, s'illuminent.
-Survivre ou mourir, confie-t-elle, rayonnante.
Je vous aime bien, les morveux. Je le dois bien à votre pops. Quoi que tu en penses, il restera comme un frère pour moi. Ça m’embêterait de savoir un de ses gosses en train de crever dans le Montana parce que son baltringue de frère se chie dessus.
Le temps que le noir se fasse automatiquement, l’homme a allumé une des lampes de camping de leur équipement. Il avance vers l’établi pour y déposer son chargement puis fait une moue de dégoût.
Qu’importe, Clarence a déjà repéré l’objet de ses désirs. Ignorant les toiles d’araignées poussiéreuses qui semblent, elles aussi, le retenir au mur, il décroche l’extincteur désuet et le saisit fermement à deux bras, base en avant.Ça passe ou ça casse.
Dans leur corps de métier, se retrouver au cœur d’une fusillade et se faire truffer de plombs est le genre d’éventualité à laquelle seules de petites frappes ne se seraient pas préparées. Et il faudrait en avoir dans le froc pour qualifier ainsi les frères Reed. Clarence s'occupera de son frangin quand ils arriveront.
La jeune femme se sent à la fois ridicule et heureuse. A-t-elle réellement cru qu’il allait lui filer un rencard, elle une banale voyageuse de passage comme le garçon doit en voir défiler des dizaines ? Les yeux de Mark n’ont pourtant pas menti et Laurel en est ravie.
Bien qu'elle ne soit pas insensible aux arguments de sa solitude – si elle lui plaît, pourquoi ne pas en profiter après tout ?
Elle aurait aimé ne rien y voir ou bien se tromper, mais les yeux du garçon trahissent un intérêt aussi soudain que certain. Ce simple rire a changé la façon dont il la regardait et Laurel se sent à présent emportée par le courant. Des sentiments contradictoires s’agitent en elle.
Elle plonge un regard abattu dans celui de sa mère, espérant y trouver un quelconque signe de honte ou y déceler, qui sait, la trace de cette peur ancestrale et souvent inconsciente propre à tous les parents de voir leur dernier enfant quitter le nid, celle de se retrouver seuls avec les pensées funèbres que l’âge avançant apporte, mais elle n’y lit que colère et incompréhension.