L'affaire Chevreuse

Louis XIII, qui avait tout juste vingt-cinq ans, était déjà marqué par l’exercice du pouvoir. Son visage poupin dissimulait mal la charge qui, depuis des années, pesait sur ses épaules. Son regard était las, son corps comme écrasé par un fardeau trop lourd.

Où Richelieu informe Louis XIII de la conjuration

Elle tenait dans sa main droite un éventail qu’elle ne lâchait jamais, même lorsque, l’hiver venu, les autres femmes le rangeaient au garde-meuble. Plus qu’un accessoire de beauté, c’était le délicat prolongement de sa main. Il soulignait tous ses gestes : parfois elle tapotait avec dans un geste d’impatience, ou le glissait dans sa main gauche, caressant sa joue pour minauder. Elle rythmait également ses paroles par un simple claquement des doigts qui ouvrait ou refermait l’éventail. Et lorsqu’elle en utilisait un en plume, c’était pour dissimuler les mots doux qu’elle faisait passer à ses complices ou à ses amants.

Où un complot s'ourdit

Un roi ne doit être aux ordres de personne, un roi règne. Or celui-ci ne règne pas, il exécute. Un jour La Vieuville, puis le cardinal, et maintenant ce Baradas ! Pensez à Gaston. Il est vif, enjoué, aime passionnément la vie, les femmes, et contrairement à son frère, a du goût pour les lettres et pour les sciences.

Le plus célèbre médecin de l’époque, Ambroise Paré, avait obtenu la permission exceptionnelle de reproduire la terrible plaie sur l’œil de condamnés fraîchement décapités : il récupérait les têtes des malheureux, enfonçait dans leurs yeux à peine éteints un bout de bois, essayait de reproduire la blessure, pour comprendre comment soigner au mieux le roi agonisant. Rien n’y fit : Henri II mourut dans d’atroces souffrances, un abcès ayant fini de s’étendre dans toute la tête.

Où Jacques Chevassut retourne à Paris

Le lieutenant criminel entendit quelques gloussements. Il continuait son observation. Parmi tous ces gens de la cour, fardés, précieux, arrogants, il y avait le criminel qui tuait ces hommes jeunes. Ou en tout cas son complice, Chevassut en était persuadé.
Derrière qui se cachait-il ? Derrière Chalais, l’absent emprisonné ? Derrière la perruque poudrée du prince de Condé ? Derrière l’habit en soie de ce Baradas dont il entendait dire le plus grand mal ? Et pourquoi pas derrière l’éventail habituellement si visible de Mme de Chevreuse ?

Où un sinistre mariage est célébré

Tendue de tapisserie de bêtes et d’oiseaux, celle-ci était une des plus belles du château. Les deux lits étaient recouverts de draps d’or, sous un pavillon de damas cramoisi. Sur un dressoir étaient des vases orfévrés, des faïences d’Italie, des aiguières, des flambeaux d’argent. Deux chaises, dont le haut dossier sculpté s’achevait par un dais, étaient placées près de chacun des lits. Un miroir de Venise hexagonal, entouré de lys, de palmes et de rinceaux de couleur, luisait dans un coin.

Où les frères Vendôme font un long voyage

Ma mission ici-bas dépasse de loin ce qui relève de ma personne. Je suis au service du roi, je suis au service de Dieu.

Où Richelieu reçoit une lettre du roi

-Mais la seule tête qui m’importe, c’est celle de Mme de Chevreuse. Elle est le cerveau qui manigance et intrigue, tire les ficelles et régente tout ce petit monde. C’est une femme débauchée, impudique. Je ne parle même pas de l’influence néfaste qu’elle a sur la reine. En Angleterre, lorsqu’elle a accompagné la sœur de Sa Majesté pour son mariage avec le roi d’Angleterre, elle a eu un comportement scandaleux qui a été une honte pour notre pays. Alors qu’elle était grosse, son amant Holland lui a proposé de venir faire ses couches chez lui, et elle en a profité pour passer ses après-midis avec Buckingham, tout ça au nez et à la barbe de son mari le duc de Chevreuse, qui ne voulait rien voir.

Où Richelieu reçoit une lettre du roi

Mais ce qu’admirait plus encore le cardinal, c’étaient les tableaux que Marie avait commandés au peintre Rubens. Vingt-quatre tableaux aux proportions gigantesques, qui n’omettaient rien de ce qu’avait été la vie de la reine et construisaient sa légende. Le plus visible, situé au fond de la galerie, était Le Couronnement de la reine à l’abbaye de Saint-Denis. Le rouge des robes des deux cardinaux attirait instantanément le regard du visiteur.

Où Richelieu voit la reine mère

Et la reine mère, Marie de Médicis, qui avait toujours haï le palais du Louvre, vieux et puant, retrouvait dans ce palais flambant neuf son Italie natale, colorée et joyeuse. Le ciel bas de Paris disparaissait derrière les parterres de fleurs, les bassins, les fontaines et tous les arbres qu’on avait fait venir d’Orléans. Pour alimenter son jardin en eau, elle avait fait bâtir un aqueduc dont la source venait de Rungis, mais n’avait pas oublié d’en faire alimenter quatorze fontaines dans Paris.
Richelieu, bien qu’il fût déjà venu là à maintes reprises, ne put s’empêcher d’admirer le grand cabinet doré et le cabinet des muses, orné de vases de fleurs, de corbeilles de fruits, de paysages. Ses tapisseries de fils d’or et d’argent, avec la fameuse tenture d’Arthémise. Ni le bleu du lapislazuli se mêlant au doré.
Partout on respirait un parfum à base de genêt, que la reine faisait venir de la parfumerie Santa Maria Novella à Florence. Des oiselets empaillés qu’on mettait dans des cages en étaient imprégnés.


Où Richelieu voit la reine mère