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Critique de PtitVincent


Jonathan Coe nous offre ici un roman autour du Brexit. Pour cela il reprend les personnages de la famille Trotter, déjà vue dans Bienvenue au club et le cercle fermé. Colin, le père est veuf depuis peu et ses enfants, Benjamin et Lois s'occupent de lui du mieux qu'ils peuvent car le vieil homme se réfugie dans sa colère face à un monde qu'il ne reconnait plus. Benjamin s'est retiré dans un moulin au bord d'une rivière et vit en gentleman farmer, séparé de celle qui fut la femme de sa vie et dont l'absence pourtant ne le dérange pas. Lois quant à elle, si elle n'est pas séparée de Christopher, elle fait tout pour s'en éloigner, vivant en semaine dans son propre appartement. Sophie, la fille unique de Lois, une jeune universitaire pleine d'avenir, a décidé de son côté de ne plus côtoyer son milieu et entame une relation avec Ian, qui ne partage rien des goûts de la jeune femme, moniteur dans une auto-école. Quant aux amis de longue date de Benjamin, Phil édite des livres régionaux vendus dans les jardineries (et le roman de Benjamin), et Doug, un célèbre chroniqueur politique, est de plus en plus sidéré face au cynisme des hommes politiques de son pays. Car Jonathan Coe ne se contente pas de nous raconter le vote du 23 juin 2016, mais en recherche plus loin les causes de ce vote et ses conséquences. Car si une (courte) majorité d'anglais a voté ce jour-là pour le Leave, ce désamour vient d'abord d'un certain nombre de causes qui, ajoutées les unes aux autres, ont amené à cette situation. Et nous partons des émeutes de 2010, l'arrivée d'une coalition libéraux-tories au pouvoir, les illusions engendrées par les Jeux olympiques de 2012, les conséquences de la crise financières dans un libéralisme effréné, le cynisme et l'inconséquence des politiques (Dave Cameron, Boris Johnson et Nigel Farage étant tout trois largement en tête), n'hésitant pas à user sciemment de mensonges pour défendre leurs intérêts. Et une société qui se divise peu à peu sans que quiconque ne s'en inquiète : une classe ouvrière qui ne reconnaît plus son pays et ses usines qui ferment les unes après les autres (Colin), une financiarisation de plus en plus importante de l'économie, un melting pot qui ne prend plus que dans les villes et dans les milieux aisés (Sophie aime cette tour de Babel qu'est devenue Londres, Ian au contraire fustige le politiquement correct et s'estime lésé par la discrimination positive). Des fractures invisibles qui finalement apparaîtront lors du référendum sur le Brexit. Car ce que nous montre l'auteur, c'est que beaucoup (qu'ils aient voté Remain ou Leave) l'ont fait de façon irrationnelle, loin de toute réflexion sur les faits, les données, les avantages et les inconvénients d'une telle décision (difficile voire impossible à évaluer d'ailleurs, encore moins dans le climat d'une telle campagne électorale). Mais surtout ce que nous montre Jonathan Coe, c'est que ces fractures révélées sont loin de se résorber par la suite, bien au contraire, les sentiments s'exacerbent et même les clowns pour enfants se fâchent ! Car il ne faut pas oublier que l'auteur manie aussi bien l'humour (anglais, cela va de soi) que la psychologie et nous offre avant tout le roman d'une famille bousculée par une société déchirée, où personne, pas même Benjamin, l'homme qui vit dans ses nuages, ne peut rester neutre et/ou indifférent. Un plaisir à lire.
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