Le Bon Vivre

Les champagnes vieillissent mal. Ils atteignent leur maturité entre deux et six ans de cave maximum, à l’abri de la lumière, et à une température constante de 12 à 16°. Ils ne se gardent pas plus de six à huit ans ; quelques années de plus pour les blancs de blanc des bonnes années. Les Anglais sont très friands de nos vieux champagnes.

Les mœurs ont évolué, la mode a changé. Le goût du lucre est apparu chez les viticulteurs. Les sucres, officiels ou camouflés, ont fait leur entrée ; merci, Chaptal. Jusqu’en 1945, la demande restait encore forte. Mais après de longues années de guerre, les négociants bordelais eurent les pires difficultés : ils ne trouvaient plus de vin de qualité à des prix avantageux, puisque pendant longtemps on avait manqué d’hommes pour s’occuper des vignes. Le négoce encourageant la fraude, des vins médiocres furent alors chaptalisés.

Le cigare exige calme et sérénité : du temps, de la discipline. D’abord, on le regarde. On le touche. On le caresse. Le contact de sa cape doit vous rappeler la douceur de la peau d’un ventre, ou de l’intérieur d’une cuisse. Gardez-le donc un peu dans votre main… Pourquoi se priver de ce plaisir ? Les gestes liés aux joies du cigare doivent être simples, sans ostentation ni prétention. Sauf si l’on tient particulièrement à passer pour un snob.

Le métier de créateur de parfums est ingrat. C’est un artiste véritable, qui a tous les talents, et qui reste dans l’ombre. Quand il éructe des sottises devant un micro, le premier imbécile venu est plus connu qu’Henri Alméras, qui a créé le parfum le plus cher du monde : « Joy », de chez Patou. Qui connaît Germaine Cellier, qui inventa « Bandit », « Vent vert » et « Jolie Madame » ? Qui sait que Jacques Poldge est le digne successeur d’Ernest Beaux chez Chanel, et qu’on lui doit « Diva », « Coco », « Senso », et tant d’autres ? En parfumerie, les créations ne sont pas protégées. Le piratage et la copie sont de règle. Pas de reconnaissance, pas de droits d’auteur. En revanche, les flacons, eux, sont protégés ; mais qu’importe le flacon…

Des années vingt aux années quarante, d’autres bouleversements techniques et industriels nous donnent la vitesse, l’automobile, les avions, l’électricité, le monde moderne. La femme s’émancipe. Grâce à Coco Chanel, les jupes raccourcissent, les cheveux aussi. On entre dans l’ère des grands couturiers. Lanvin, Worth, Patou, Schiaparelli, Molyneux et Weill créent leurs parfums. L’élégance sobre et classique gagne un atout supplémentaire.

Les vingt premières années du siècle ont vu une fantastique avancée des sciences et de l’industrie. Marie Curie découvre l’uranium, on envoie en l’air les premiers zeppelins. Les femmes perdent leur innocence supposée, les « cocottes » s’affichent ; les senteurs gagnent en intensité, les premières compositions florales apparaissent. Paul Poiret, génie intuitif, comprend le premier la complémentarité évidente du vêtement et du parfum.

Les médecins conseillent de s’endormir sur le côté, la nuque bien soutenue, la colonne vertébrale toujours droite. Mais de quel côté faut-il s’endormir ? Question oiseuse : 32 % des individus dorment à droite, 18 % à gauche. Les autres dorment sur le ventre à concurrence de 6 %, et 44 % sur le dos. Ces pourcentages valent ce qu’ils valent, puisque le dormeur change de position plus de quarante fois par nuit.

Tout comme Frigidaire veut dire réfrigérateur, le terme d’« andouilles de Vire » désigne aussi, outre la vraie, toute une variété d’andouilles. Mieux vaut donc lire attentivement les étiquettes. Idéalement, les andouilles devraient être découpées, montées et embossées à la main. C’est un art qui n’a rien à faire avec la machine. J’ai lu dans un journal de la profession charcutière une publicité pour le steak d’andouillette : le « pavé de Vire ». Que dire de cela ? On décrit toujours si mal les cauchemars !

Certes, il faut lutter contre cette détestable mode du « pas de gras, pas de sel » ; il faut trouver de nouveaux créneaux commerciaux, développer son entreprise pour ne pas se laisser dévorer par les grandes surfaces, qui vendent toujours moins cher et plus pratique… Est-ce une raison pour tricher, et pour abandonner l’élaboration des productions typiquement charcutières ? Le charcutier ne fume plus, sous prétexte que les potées ont disparu de nos tables. Il ne sale plus, parce que le salé ne se vend pas, il ne fabrique plus son jambon, puisque le consommateur ne fait plus la différence entre le sien et celui de l’industrie.

L’origine d’un thé ou d’un café représente sa spécificité ; un thé est de Chine ou de Ceylan, il n’est jamais de nulle part. Le café a un pays natal, brésilien ou yéménite. Ce n’est pas le passeport qui les différencie, mais le goût, l’arôme, la saveur. Alors que dans une tablette de chocolat il est impossible de retrouver l’origine d’un cacao. Ces trois-là ont un point commun : l’inutilité d’être sucré. Tout comme placard dans cuisine me paraît incontournable, armoire dans chambre est évident. On peut remplacer armoire par penderie ou commode, cela dépend de ce que l’on met dedans. Si on a de la place, on a un dressing-room ; même anglais, c’est utile.