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Critique de SergentPoivre


Wilkie Collins est un auteur diabolique : pendant presque 200 pages, il vous berce en vous racontant le quotidien paisible des Vanstone, une famille aisée, cultivée et particulièrement unie de la petite noblesse rurale. Puis, soudain, sans même crier gare, il fait tomber la foudre. Non pas une mais quatre fois de suite : un train qui déraille, une mort en couches, la découverte d'un mariage tardif et un testament qui ne vaut plus guère que le papier sur lequel il a été rédigé. du jour au lendemain, les deux jeunes filles de la maison, Norah et Magdalen, se retrouvent dépossédées de leur héritage, de leurs espérances et de leur identité. Leur vie idyllique et insouciante est devenue un champ de ruines.
Commence alors un récit de désespoir et de vengeance qui, pendant les 600 pages suivantes, ne laissera plus aucun répit au lecteur.

Bien plus qu'un simple « roman à sensation », qu'un simple thriller du 19e siècle, Sans nom est le portrait d'une femme qui larguera toutes les amarres, enverra valdinguer toutes les conventions de la bonne société à laquelle elle appartient et se battra jusqu'à en côtoyer la folie pour renter en possession de ce qu'elle considère, à juste titre, lui appartenir de droit. Sur le dangereux et difficile chemin, elle s'alliera à un escroc (génialissime personnage de facture très dickensienne que l'on commence par mépriser et que l'on finit par aimer), manigancera, trichera, simulera, se heurtera à une ennemie aussi implacable qu'elle, s'avilira, chutera mais ne se soumettra jamais. Au-delà du caractère sombre et machiavélique de l'intrigue, Sans nom est également le récit d'une lutte acharnée pour la liberté, ainsi qu'un réquisitoire contre les lois iniques qui, à l'époque victorienne, pouvaient permettre que des épouses et/ou des filles soient dépossédées de ce qui aurait dû naturellement leur revenir.

Après Armadale, cet exceptionnel roman qui tient autant du dédale que de la chorégraphie, Sans nom, tant par la justesse de son analyse psychologique que par son intensité émotionnelle, tant par la complexité et la subtilité de son intrigue que par la portée sociale de celle-ci, me confirme dans l'idée que Wilkie Collins est non seulement un conteur d'un talent exceptionnel mais aussi un fin observateur et critique de la société victorienne. En cela, il se rapproche indubitablement de son ami et mentor Charles Dickens mais, comme je l'ai déjà dit dans ma critique d'Armadale, il n'en est certainement ni un élève ni encore moins un épigone : il est lui-même un grand maître à part entière. Un grand maître qui ne mérite nullement la condescendance dont il est parfois victime de la part de certains critiques littéraires (les lecteurs de Wilkie Collins sont, eux, bien plus perspicaces, qui savent parfaitement reconnaître un orfèvre quand ils en voient un à l'oeuvre !)
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