Citations sur Dulcie : Du Cap à Paris, enquête sur l'assassinat d'une m.. (19)
Pourquoi raconter cette histoire aujourd’hui ? D’abord parce que cet assassinat s’est déroulé sur le sol français, en plein Paris, quelques semaines avant la réélection de François Mitterrand à l’Élysée. Ensuite, parce que cette affaire reste un mystère. L’enquête judiciaire française s’est soldée par un non-lieu en juillet 1992, sans que soient identifiés les coupables. […] L’assassinat de Dulcie September est une histoire qui reste très gênante pour la France : Dulcie dénonçait les relations économiques illégales entre Paris et le régime de l’apartheid, notamment en matière d’armement. Ce soutien des autorités françaises à un régime officiellement raciste est, aujourd’hui, encore, largement méconnu. […] Depuis plus de dix ans, j’accumule de la documentation, j’épluche les archives et je réalise des interviews filmées avec celles et ceux qui ont connu Dulcie à l’époque. Beaucoup sont morts aujourd’hui. Le temps est venu de raconter cette histoire et de tenter de comprendre pourquoi Dulcie September est devenue une cible. – Benoît Colombat
L’ordre public, ça consiste à éviter la bagarre, les blessés, les dommages matériels… y compris chez les flics.
Nous sommes face à un immense gâchis suscité par les enjeux de la raison d'Etat. La justice et la vérité doivent prévaloir. Qui a peur de Dulcie September?
Paris, novembre 2011. Pierre Juquin – Je proposais ce que j’appelais la rénovation communiste, c’est-à-dire une modernisation, une autre façon de construire le parti communiste que j’avais quitté, afin de faire vivre une politique en prise sur notre époque. Nous voulions manifester notre solidarité avec l’ANC et ceux qui luttaient contre l’apartheid, pour des raisons politiques et éthiques. J’avais la volonté de pousser plus loin la recherche sur la politique africaine de la France, ses magouilles, ses tripatouillages… Je vais prononcer un mot que je ne devrais pas prononcer : les saloperies qu’il pouvait y avoir derrière, notamment en matière de trafics d’armes. Cette politique me paraissait immorale, bien sûr, et politiquement dangereuse. Un aspect de ma campagne, c’était : établir de nouvelles relations transparentes et solidaires avec ce qu’on appelait encore à l’époque le tiers-monde, en développement. Je ne voulais pas que se poursuive cette politique. Dulcie September n’avait aucun préjugé à mon égard. Nous nous sommes serré chaleureusement la main. Nous avons convenu de nous revoir le lendemain matin, vers 10 heures je crois, à son bureau. Elle m’a dit : Je suis tout à fait d’avis que nous parlions. Le lendemain, elle était assassinée. Je suis donc l’une des dernières personnes à l’avoir vue. Nous n’avions pas établi le programme de notre rencontre, mais j’avais bien l’intention d’aller au fond des choses avec elle, afin de voir comment je pouvais aborder certains sujets dans ma campagne électorale, et dénoncer en accord avec elle, d’éventuelles magouilles, des trafics portant surtout sur la question des armes. Je me posais des questions et je voulais en parler avec elle. Je n’avais pas d’éléments précis, mais j’avais une intuition. L‘intuition que les services secrets français pouvaient poursuivre la politique de Jacques Foccart et l’appliquer aussi à l’Afrique du Sud et que par conséquent Dulcie September n'était pas très en sécurité à Paris. Mais je n’avais pas de preuves, je voulais en parler avec elle. J’avais l’intention de lui poser toutes ces questions, je lui en avais fait part entre deux portes, avant de quitter le lieu de la réunion. Elle m’avait dit : Mais oui, nous allons en parler.
Si les lions savaient écrire, l’histoire de la chasse serait bien différente.
Paris. UNESCO (Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture). 16 juin 1979. La première fois que j’ai rencontré Dulcie, elle était venue à l’UNESCO témoigner du sort des enfants sous l’apartheid, qui mouraient à cause de la malnutrition ou faute de vaccins. J’étais fascinée par la passion avec laquelle elle expliquait les choses. Elle ne se contentait pas d’aligner des chiffres, elle vivait l’horreur de l’apartheid dans sa chair, et ça, pour nous, c’était irremplaçable. Après son intervention à l’UNESCO, la salle est restée silencieuse… sous le choc. Pendant toutes ces années qu’elle a consacrées au travail de l’ANC, la camarade Dulcie September n’a jamais manié d’arme plus mortelle que la plume ou la machine à écrire. Ceux qui ont ourdi le complot visant à l’assassiner, ceux qui ont sélectionné et recruté les meurtriers auxquels ils confièrent la mission de la traquer, de lui tendre une embuscade, le savaient parfaitement bien. L’apartheid a été reconnu comme un crime contre l’humanité. Dulcie était quelqu’un d’intègre, de dévoué corps et âme à la lutte. Il faut que justice soit rendue, on ne peut pas laisser courir les assassins. - Jacqueline Derens (militante anti-apartheid)
L'assassinat de Dulcie September est une histoire qui reste très gênante pour la France : Dulcie dénonçait les relations économiques illégales entre Paris et le régime de l’apartheid...
... notamment en matière d'armement.
Nous sommes vraiment sur une affaire d'État encore très verrouillée. Les autorités françaises ne veulent pas rouvrir la question des relations françaises entre la France et l'Afrique du Sud de l'apartheid.
Jean-Yves Ollivier y explique qu’il a œuvré dans l’ombre pour la libération de Nelson Mandela. – Je dis à Chirac : la libération de Mandela passe par la paix dans la région. Refuser le dialogue, se contenter de de slogans militants, appeler aux sanctions et à l’isolement du régime de l’apartheid, tout cela ne permet pas de faire progresser la paix. Oui, j’ai ignoré les sanctions. Les sanctions étaient contre-productives. Elles isolaient le pays, et donc empêchaient justement le dialogue et l’ouverture à un autre monde. Grâce aux affaires, je rencontre les grands banquiers qui me donnent un carnet d’adresses totalement unique. Et c’est vrai que très rapidement, je vais voir, rencontrer, tous ceux qui comptent, au sens politique du terme, en Afrique du Sud, y compris le président Botha.
Tous les hommes sont persuadés d’être de très bons maris, ça va de soi. En plus, le mien était communiste… autant dire la perle des maris.