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Critique de Lamiedeslivres


Mona, promise à de belles études en art, est une fille pétillante et lumineuse. Avec sa belle chevelure rousse, elle ne laisse pas les passants indifférents et attire souvent les regards admiratifs lors des séances photo qu'elle s'amuse à faire sur fond de monuments et paysages parisiens avec Marin, son ami d'enfance. Marin, lui, le seul art qui l'intéresse c'est justement la photo. Sa mission à lui, c'est plutôt de sauver la planète. Et il apprécie quand Mona accepte de l'accompagner aux manifestations.

Seulement voilà. Depuis sa rencontre avec Joshua au musée, Mona n'est plus la même. Marin ne l'intéresse plus, elle a mieux à faire. Elle est amoureuse, comme envoûtée par ce type. D'accord, il présente bien, c'est un véritable dandy. Et puis il a de la conversation. Il fait bonne impression. A tel point que les parents de Mona, réticents pour commencer, finissent par accepter qu'elle s'installe avec lui. La présence aux côtés de Mona de ce jeune homme passionné d'art lui aussi ne peut que lui être bénéfique pour la préparation de son concours d'entrée à l'ENSBA Paris (les Beaux Arts). Peu à peu les échanges entre Mona et Marin s'amenuisent pour aller jusqu'à disparaître complètement. Une relation toxique s'installe très vite entre Mona et Joshua. C'est lui qui mène le bal, Mona est sa poupée de chiffon. Petit à petit Mona perd pied, s'efface. Elle n'est plus que l'ombre d'elle même. Mais que se passe-t-il ? Jusqu'où cela va-t-il la mener ?

Autour de Mona, plusieurs personnages prêtent leur voix et leur expérience à ce récit. Marin bien sûr, mais aussi Esther la soeur de Joshua, Lya la voisine, et puis Cassien. Cassien le poète, personnage très central, mais à la fois si discret. Il m'a beaucoup touchée. L'extrême violence qu'il a vécue lui vaut d'écrire, encore et encore, pour exorciser la douleur. Très habilement, les autrices font entrer dans la danse les différents personnages, ou bien les font sortir. Alors que le comportement inacceptable de Joshua occupe la plus grande partie de l'histoire, le lecteur n'entre pas dans ses pensées. Ou plutôt si. On ne pense qu'à ça. C'en est obsédant, envahissant, comme sa relation avec Mona. Mais pourtant aucun chapitre ne lui est directement consacré. le roman comporte trois parties distinctes, dont les titres sont des noms de tableaux :

Les amants (début du printemps) huile sur toile de René Magritte, 1928 ( Ycare, Marin, Esther, Mona)

Le cri (fin de l'hiver, un an plus tard) tempera sur carton d'Edvard Munch, 1893 (Mona, Lya, Esther, Cassien, retour de Marin vers la fin)

La nuit étoilée (deux ans plus tard) huile sur toile de Vincent van Gogh, 1889 (Esther, Lya, Cassien, Marin, Mona)

Le récit est au présent, comme pour mieux faire sentir l'urgence de la situation. Situation de Mona dans le roman, mais aussi situation de toutes les personnes victimes de violences. Cette urgence qu'il y a à partir quand dans le même temps ce départ semble inconcevable. Point de fuite. C'est vraiment ça.

Dans ce roman choral, il est question de souffrance extrême, mais aussi d'écoute, de bienveillance, d'entraide et d'amitié.

Nancy Guilbert et Marie Colot sont de véritables brodeuses de mots, qu'elles ont toujours justes. le roman est construit comme la toile d'une araignée - araignée qui revient d'ailleurs à plusieurs reprises dans l'histoire - cette araignée qui effraie Mona, l'emprisonne et la paralyse peu à peu. Mais ici la toile s'apparente plutôt à un filet de sécurité, que les autrices élaborent et installent peu à peu pour Mona mais aussi pour le lecteur. S'il t'arrive la même chose un jour, tu auras les clefs, les indices, les outils.

p.290 Cassien "En cette fin d'après-midi de mars plutôt ensoleillée pour la saison, on se promène, tous les deux. On discute de tout et de rien, je lui lis mon dernier poème et elle me dit que Jeanne a raison, que je dois présenter mes textes, qu'ils sauveront des vies. Ces mots qu'elle emploie, "sauver des vies", me bouleversent et me piquent les yeux, c'est le plus beau cadeau qu'on m'ait jamais fait."

Le tout sur fond d'art, de musées et de tableaux, comme pour apporter de la douceur et de la couleur à ce tableau si noir. Point de fuite, c'est aussi un terme artistique. le choix du titre est très judicieux, il fait tellement sens ! La couverture, ainsi que le livre lui-même, avec sa tranche rouge vif, sont magnifiques. On apprend toujours dans les oeuvres de Marie Colot et Nancy Guilbert et j'adore ça !

Le thème est malheureusement plus que d'actualité. J'ai commencé la lecture de ce roman le jour où les médias nous apprenaient le 39ème féminicide de l'année, une femme immolée par son ex-conjoint, le mardi 4 mai. Je termine cette chronique alors qu'il y a deux jours, une jeune femme de 22 ans a été poignardée à mort en pleine rue par son conjoint. le 43ème féminicide en France depuis le début de l'année.

Dans une note en fin d'ouvrage, Nancy et Marie rappellent, pour toutes les victimes de violences, hommes et femmes, que cette violence soit physique ou psychologique (jusqu'à l'emprise) les coordonnées d'associations, les numéros de téléphone utiles en France comme en Belgique ainsi que les sites internet accessibles.

En fin d'ouvrage figure également un index de toutes les oeuvres d'art citées tout au long du roman. J'ai très envie d'en faire un padlet !

Je veux dire ici un immense MERCI à Marie et Nancy pour cette nouvelle oeuvre belle et utile à la fois. Bravo à vous deux pour cette nouvelle prouesse, vous alliez à merveille et avec une grande subtilité l'utile à l'agréable, l'indispensable vérité à l'indicible, la souffrance à la beauté. Et tout cela à quatre mains. Quelle chance pour nous, lecteurs, de vous avoir !

Lien : http://lamaisonlivre.canalbl..
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