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Critique de belcantoeu


Des montagnes de livres de pseudo-psychologie proposent le moyen de trouver le bonheur mais celui-ci est un livre qui ne déçoit pas. L'auteur part d'Épicure pour qui «la philosophie est une activité qui, par des discours et des raisonnements, nous procure la vie heureuse». C'est donc une activité, et une joie qui nait de la vérité: penser non pas ce qui rend heureux, mais ce qui parait vrai, à charge de chercher, face à cette vérité, même triste, le plus de bonheur possible. Mieux vaut agir sur une vraie tristesse, que se leurrer d'une fausse joie. L'essentiel est de ne pas se mentir, ne pas se laisser prendre au piège de l'espérance, indissoluble de la crainte de l'échec, ce qui ne rend pas heureux (en effet, on n'espère pas ce qu'on est sûr de pouvoir obtenir). L'espoir n'est pas le contraire de la crainte. L'un n'existe pas sans l'autre.
Platon écrit dans le Banquet que l'amour est désir. le désir est manque et le manque est souffrance. Dès qu'il est satisfait, il n'y a plus ni manque ni désir. Loin d'avoir ce qu'on désire, on a ce qu'on désirait, et qu'on ne désire plus, «c'est le piège de l'espérance». On s'ennuie, «c'est ce qu'on appelle un couple». On se dépêche de désirer autre chose, et c'est le cercle vicieux. Si le désir est manque, le bonheur est manqué. Rappelons-nous Albertine de Proust. Quand elle n'est pas là, il fait tout pour qu'elle revienne et quand elle est là, il s'ennuie. Comment y échapper ? Il y a le divertissement de Pascal, la fuite en avant «d'espérance en espérance... comme ces joueurs de loto qui se consolent toutes les semaines d'avoir perdu par l'espérance qu'ils gagneront la semaine suivante» ou alors le «saut» dans une espérance absolue, religieuse, qui ne peut décevoir: «Il n'est de bien en cette vie que l'espérance d'une autre vie», dit Pascal. Encore faut-il avoir la foi, et pour Comte-Sponville qui ne l'a pas, il faut se soumettre au vrai et pas à l'avantageux (allusion au pari de Pascal).
Il y a joie, quand on désire ce qu'on a, ce qu'on fait, ce qui est, lorsqu'on désire ce qui ne manque pas. C'est le bonheur en acte, un bonheur qui n'espère rien. le désir de la promenade, c'est d'être ou on désir être. L'erreur de Platon, Pascal, Schopenhauer et Sartre, c'est de confondre désir et espérance. L'espérance ne dépend pas de nous, c'est désirer sans pouvoir. C'est la différence avec la volonté: «Quand tu auras désappris à espérer, je t'apprendrai à vouloir» dit Sénèque. On peut désirer ce dont on jouit (le plaisir), ce qu'on sait (connaitre), ce qu'on fait (agir). Il s'agit d'habiter un univers où rien n'est à espérer, où tout est à agir, à faire, à aimer. Il y a de la sagesse dans un dés-espoir qui n'est pas résignation mais vérité. Jules Renard dit «Je ne désire plus rien du passé. Je ne compte plus sur l'avenir. le présent me suffit. Je suis un homme heureux car j'ai renoncé au bonheur». Pour Spinoza, contrairement à Pascal, le désir n'est pas manque, mais puissance. Ce qui manque à l'anorexique, c'est la puissance de jouir de ce qui ne manque pas.
Aimer, pour Spinoza, c'est se réjouir d'un amour qui ne demande rien à l'autre, être heureux que l'autre existe, pas «vouloir» l'autre (en espagnol, «querer» veut dire à la fois aimer et vouloir). Se réjouir de ce qui est. Il n'est de joie que d'aimer, c'est l'esprit du spinozisme. Il s'agit d'apprendre à désirer ce qui dépend de nous, c'est-à-dire à vouloir et à agir, et non désirer ce qui n'est pas ou plus (regretter, espérer). «Le bonheur n'est pas un absolu, c'est un processus... un rapport actif à l'avenir, c'est un projet, une volonté, un programme, ce n'est pas une espérance», mais «Il ne s'agit pas de vivre dans l'instant: il s'agit de vivre au présent... dans un présent qui dure», qui inclut un rapport au passé (mémoire, fidélité, gratitude) et à l'avenir (projet, imagination, confiance, prévision, fantasme, utopie), à condition de ne pas prendre ses rêves pour la réalité.
La vérité, c'est qu'il y a des «moments» de joie. Pour l'incroyant qu'est Comte-Sponville, ce sont Jésus et Spinoza qui sont dans le vrai en disant que ce n'est pas la valeur de l'objet aimé qui gouverne et justifie l'amour, c'est l'amour qui donne sa valeur à l'objet («Ce qu'il s'agit d'imiter en Jésus-Christ, ce ne peut être la foi ou l'espérance... ce ne peut être que l'amour»), «pas seulement l'amour des hommes, des femmes; aussi bien l'amour du réel, d'un paysage, d'un tableau, d'une musique, l'amour d'un oiseau qui passe dans le ciel, l'amour de tout ce qui est, de tout ce qui ne manque pas... Il s'agit d'apprendre à vivre pour de bon au lieu d'espérer vivre. Il s'agir de connaitre, d'agir, d'aimer». Spinoza écrit qu'il s'agit d'apprendre à aimer cette vie comme elle est, y compris en se donnant les moyens, pour ce qui dépend de nous, de la transformer.
Et une dernière citation de l'auteur: «Si j'ai eu besoin de tant philosopher, c'est parce que j'étais peu doué pour la vie».
Vous avez la recette, vous savez ce qui vous reste à faire.
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