Ces gens qui ont si peu se serrent les coudes, s’unissent contre des ennemis, réels ou imaginaires. Au milieu de nulle part, ils partagent des repas, des boissons, des remèdes. À moins d’être un journaliste (ou bien de croire dans la science), on peut trouver dans ce foyer de bric et de broc une vraie chaleur humaine. Leur isolement n’est pas une solitude.
La prairie présente certaines caractéristiques des ghettos ruraux. Il y a des individus sous le coup d’un mandat d’arrêt, il y a de la violence conjugale, il y a de l’addiction.
Ce sont les marges de la société qui définissent réellement qui nous sommes. Eux, ils sont aux marges les plus reculées, et posent des questions sur la manière dont nous devrions tous vivre
Je me fais cette réflexion que la vallée elle-même est une sorte de déversoir pour le barrage de la société contemporaine. Ceux qui ne peuvent pas être contenus dans le courant principal peuvent être envoyés par-dessus bord et échouer quelque part dans la prairie.
Ce que l’on voit aujourd’hui, c’est une étendue naturelle magnifique qui se vend par parcelles- une terre vierge, disponible à l’achat pour une bouchée de pain, un paysage sur lequel même une personne aux moyens très limités peut imaginer laisser une trace.
Dix mille parcelles de terrain, ça fait dix mille rêves potentiels.
Ces gens qui ont si peu se serrent les coudes, s’unissent contre des ennemis, réels ou imaginaires. Au milieu de nulle part, ils partagent des repas, des boissons, des remèdes. À moins d’être journaliste (ou bien de croire dans la science), on peut trouver dans ce foyer de bric et de broc une vraie chaleur humaine. Leur isolement n’est pas une solitude.
J’aime la diversité des habitants, beaucoup de profils qu’on ne trouve pas dans une grande ville. Et j’aime la décontraction qui règne ici, où l’on est moins obsédé par l’idée de laisser une trace que dans mon cercle new-yorkais. C’est un monde magnifique, sauvage et mystérieux, un havre pour les presque fauchés.
La plupart semblent fuir des vies américaines plus conventionnelles qui sont devenues intenables, que ce soit à cause de l’accumulation des factures ou de celles des désillusions.
Parfois l’attitude consiste à dire : je préfère avoir une vie difficile ici que d’être méprisé en ville. On peut trouver ça idiot , mais c’est leur choix. ” Un choix pas toujours tenable, parce qu’ils ont beau posséder leur lopin de terre, ils restent pauvres, avec une marge de manœuvre limitée en cas de pépin. Souvent, ils viennent au refuge dès les premiers frimas, lorsqu’ils constatent à quel point l’hiver est rude. Les plus tenaces ont souvent un revenu fixe quelconque - une pension d’ancien soldat, ou des allocations handicapé, par exemple - sans quoi île est difficile de gagner sa vie. La plaine est éloignée des emplois, et trouver un emploi exige un moyen de transport fiable, ce dont nombre d’entre eux ne disposent pas.