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Critique de eugenange


Voilà bien longtemps que je n'avais pas lu quelque chose de Robin Cook, auteur attachant, à la vie tumultueuse, et aventurière, qui a connu son heure de gloire en France avec « On ne meurt que deux fois » au début des années 80.
J'ai abordé donc ce livre avec un préjugé favorable, nourri par le quatrième de couverture qui mentionne que la presse Anglaise avait jugé ce livre digne de succéder à « 1984 » de George Orwell. Je dirais qu'on est loin d'une tel niveau de perfection. La seule ressemblance avec ce chef d'oeuvre, est que l'action se passe sous un régime totalitaire, ayant clivé l'Angleterre du reste de l'Europe, et même du Pays de Galles, et de l'Écosse, avec une population tétanisée, et victime consentante.
En ce sens, il est vrai que ce livre sortit en 1970 n'est pas sans évoquer cette forme de suicide traumatique qu'a été le Brexit, 50 ans plus tard, et que la vision du risque de repli réactionnaire de la Grande Bretagne, s'est avérée assez prophétique. Robin Cook connaît son pays, et si le parallèle avec Orwell est vrai, il est lié à la personnalité des deux hommes. Tous deux issus de milieu petit bourgeois, passés par le collège d'Eton, ils n'hésitèrent pas à pourfendre les valeurs conservatrices de leur pays, tout en y étant attachés. Leur vie aventureuse et à hauts risques, se mêlant au prolétariat, les aurait ils amené à boire un coup ensemble, ou à se retrouver parmi les brigades internationales s'ils avaient vécu à la même époque ?….Je ne sais pas ce qu'Orwell aurait pensé de ce livre, lui qui était critique littéraire à ses heures. Lui aurait il dit, comme moi, que la deuxième partie du livre aurait eu bien besoin d'être retravaillée. Voir, pourquoi pas supprimée.
Deux parties, donc. La seconde commence à la page 197 à la moitié du roman. On bascule alors de l'Italie en Angleterre, et il n'y a pas que le climat qui est plus froid. Je doute que Robin avait envie de rentrer dans son pays, comme son héros, à l'époque où il écrit cette oeuvre. Un écrivain parle toujours un peu de lui, et c'est sûrement un euphémisme dans cette affaire. Il n'est pas difficile de comprendre que l'auteur s'est immergé dans son héros paysan, dans un pays qu'il connaît bien pour y avoir vécu et travaillé lui aussi.

Richard Watt, journaliste engagé, s'est exilé en Toscane, où avec sa compagne Anglaise, il est viticulteur, et très bien intégré dans la communauté. Malheureusement, son passé vient se rappeler à lui, et le voilà menacé d'être extradé. On se questionne si le passé plus ou sulfureux de Robin Cook et ses aventures de bad boy n'ont pas installé ce scénario de la perte du paradis promis.

Le livre de 400 pages est donc divisé en deux parties sensiblement égales en volume, mais certainement pas en qualité. Au point qu'on pourrait se demander s'ils ont été écrites par le même auteur. Ou pour quelle raison psychologique ou liée à l'urgence ou à la nécessité, il a du saboter ainsi son livre ? Jugement peut être un peu dur, mais lié à ma déception finale.
La première partie est liée à ce coin de Toscane devenu un refuge. Les premières pages sont d'une belle qualité d'écriture, vous faisant penser que vous êtes tombé sur quelque chose de rare.
« J'ouvre les volets. Il est très tôt ; pourtant le soleil aveuglant de Toscane, qui bombarde le sol de la cour comme une grêle de pièces d'or, se reflète avec violence sur le capot orange du tracteur. Un vent chaud, le sirocco, monte du ravin par bouffées indolentes ; je l'entends bien avant qu'il n'arrive jusqu'à nous pour agiter nos arbres. »

Toute cette première partie est efficacement traduite, dans cette prise de connaissance du pire, de la perte inéluctable des choses, après la révélation venant d'un officier débonnaire de gendarmerie, embarrassé par son devoir d'information. Un processus qui est celui de l'existence, et qui est quelquefois associé à la maladie, rendant encore plus beau ce qu'on abandonne, quand on glisse vers la mort, et que le regard des autres se transforme, entre compassion, et fuite.

La seconde moitié m'est tombée des mains. Elle est liée à l'expérience de l'enfermement, et d'un monde qui se resserre lentement sur la vie. Malheureusement, elle est très peu crédible, voir ridicule. On est loin des textes de Primo Levi sur l'enfermement, et la négation de l'homme, débarrassé de toute sa dimension humaine. L'attitude du héros, revendicatif, et violent, faisant sans cesse dans l'apostrophe, et le passage à l'acte envers ses geôliers, dans des attitudes défiant le shériff et ses hommes alors qu'il est à leur merci sont ridicules, et les dialogues semblent sortir d'un livre de série B, ou de superposer.
Je retiens donc les 197 premières pages de ce roman, qui se seraient suffis à elle mêmes.
Entre la note 4 que j'accorderais à la première partie et un 2 boosté à la seconde, la note 3 me parait satisfaisante, pour un livre qui reste une curiosité. Bravo au traducteur qui a réussi à traduire le titre Shakespearien " A state of Denmark" au mieux.
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