AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Charybde2


12 belles nouvelles sur la musique, dont quatre hors du commun, incluant un vrai chef d'oeuvre.

Beau recueil de 12 nouvelles publié en 2010 par les éditions Antidata, sur le thème de la musique, dans lequel on découvrira entre autres ce qui est vraiment arrivé à la Sheena des Ramones ("Hamburger chéri", Cécile Coulon), les terribles ratiocinations de comptoir d'un clochard qui fut ou ne fut pas musicien ("Un café et une guitare", Gilles Marchand), un instantané de vie au sein d'une fanfare de village ("Le trombone en or", Christophe Ségas), la fragilité résignée des amours enfantines, même cristallisées par Christophe ("Sixième bleue", Olivier Salaün), le pouvoir séducteur de la musique et ce qui doit être fait pour le défendre ("Tout ce que tu fais est merveilleux", Charlotte Monégier), ce que peut déclencher une musique d'ascenseur dans certaines conditions ("35", Amandine Bellet), le pouvoir de la foi en la musique sur la longévité ("La faucheuse n'aimerait pas les aubades ?", Bertrand Redonnet), ou encore les abîmes que peuvent ouvrir certaines musiques sérielles ou industrielles ("Un crime parfait", Christophe Despaux).

Quatre nouvelles, pour moi, atteignent l'exceptionnel :

- Ludmila Safyane ("Sur un air d'Elena") met en scène une belle obsession des stars, et ses développements étonnants.
"Quand j'y repense aujourd'hui, je me dis qu'elle m'aimait, c'est sûr. Un peu, sans doute. Beaucoup, peut-être. Mais pas à la folie. Elena était un peu folle, mais pas de moi. Incapable d'être dingue du réel, des choses à sa portée, des gens qu'elle côtoyait, elle ne s'intéressait pas vraiment au quotidien. Son extravagance ordinaire la poussait à adorer régulièrement des êtres inaccessibles dont elle feuilletait les légendes dans des revues colorées. Elle ne pouvait aimer démesurément qu'un demi-dieu, ce que je m'efforçais d'être jusqu'à l'épuisement."

- François Martinache ("Armor - Andalousie") nous fait toucher de l'oreille et du doigt la fenêtre qu'est la musique et l'air frais qui peut s'y engouffrer à tout instant, même dans une vie bien fatiguée.
"Il accorde son instrument avec soin.
Puis il se met à jouer. Mes pensées, à nouveau dirigées vers mes déboires professionnels du jour, sont ramenées illico sur la plage où le guitariste accélère le rythme. En quelques cordes pincées, son flamenco m'emporte.
Pour avoir beaucoup fréquenté les salles de concert, de rock ou de jazz, étant plus jeune, je peux simplement dire que ce type-là a du métier. Et de m'interroger : depuis combien de temps n'ai-je pas assisté à un vrai concert ?"

- Scarlett Alainguillaume ("Le seuil (variation sur Free Bird)") nous montre en quoi une chanson-culte de Lynyrd Skynyrd, et au delà, toute musique rock, n'est pas simplement une métaphore, mais un appel permanent au choix, ou au renoncement.
"Il a trente ans aujourd'hui, c'est la limite qu'il s'était fixée. Il a besoin de temps et d'espace pour composer. Il boit sa première gorgée de café. Pour se donner du courage, il met "Free Bird" sur son iPod. "If I leave here tomorrow, will you still remember me ? For I must be travelling on now, 'cause there's too many places I've got to see". "

- Malvina Majoux, enfin, ("Le Schnark de Levallois"), met en musique, tonitruante et désespérée, la lutte d'un retraité contre les promoteurs immobiliers et leurs équipes de démolition, à Levallois. Une courte mais véritable saga aux tonalités agratesques par moments, qui fait aussi songer à la mythique "Guerre des pommes reinettes" de George Mac Beth.
"La déflagration du chantier le suit de quelques secondes.
Cher carnet de guerre, ma déposition du jour : à 8 h, le citoyen Jean a été frappé simultanément en ses deux oreilles par l'ouverture du chantier perpétrée tous les matins depuis 3 ans, 6 mois et 13 jours. Point point point. 1288e jour de détention pour les habitants du feu quartier non décrit ci-après car kaput. Préparé à cet assaut quotidien, l'homme porte un casque de chantier en son salon, sa bonbonne d'oxygène sur le dos, ses épaulettes-dentiers, ses grelots aux chevilles, une guimbarde dans sa poche revolver et dix dés à coudre au bout des doigts. Passage des munitions en revue : 53 chansons. Il attend un arrivage d'ici ce soir."
Commenter  J’apprécie          20



Ont apprécié cette critique (1)voir plus




{* *}