Car en course, lorsque l'on part sans se poser de question, il arrive souvent que l'on trouve une réponse sur sa lancée.
Il faut aimer souffrir pour aimer courir.
Au début, il est fréquent que l'on commence à pratiquer la course à pied pour s'affûter, puis, au fil du temps, sans s'en rendre compte, on s'affûter pour courir.
Petit rappel à l'attention des hommes: si cela vous agace d'être dépassés par une fille, ce n'est pas que vous êtes lent, c'est que vous êtes macho.
En course, la douleur est un coach impitoyable, un entraîneur invincible et invisible qui vous apprend à éviter les coups, à contrer la souffrance, à continuer. Sans douleur, le coureur est idiot. Apaisé, certes, mais idiot. La douleur apprend l'intelligence, la gestion du temps, de l'effort, l'attention aux muscles, la recherche permanente de moyens intérieurs pour avancer quoi qu'il arrive. Il n'existe pas, en course à pied, de professeur plus sévère, plus loyal et plus fidèle que la douleur puisqu'elle vient de nous-même, et qu'elle sait s'annoncer et se retirer une fois la course terminée (généralement plusieurs jours après).
Si vous avez lu Harry
Potter, vous avez forcément frissonné à partir du tome 3, quand apparaissent les Détraqueurs, ces gardes de la prison d'Azkaban, infâmes, fantômatiques, qui aspirent l'âme et les forces de ceux qu'ils choisissent d'affaiblir. Eh bien, au marathon, le mur, c'est un Détraqueur invisible mais gigantesque, présent à la fois dans les jambes et dans la tête de celui qui doit lui faire face.
Car en course, lorsque l'on part sans se poser de question, il arrive souvent que l'on trouve une réponse sur sa lancée.
Pour moi, le mouvement des jambes et la façon dont les pensées s'agencent, à la manière d'un jeu de Tetris mental, sont des outils d'écriture essentiels. J'écris en courant. L'histoire se construit pendant que les jambes bougent.
Pour Homère, la course à pied est ainsi la vertu cardinale du demi dieu.
D'ailleurs, je me demande parfois si le principe même de la course ce n'est pas d'essayer d'aller plus vite que sa douleur. D'être toujours un peu en avance sur elle. De la narguer, de lui faire comprendre qui commande, qui choisit, qui est fort.