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Critique de montmartin


Un roman de la terre où le sang du cochon égorgé se mélange à celui de la jeune fille qui vient de faire l'amour pour la première fois. Vous êtes arrivés au Paradis, une ferme tenue par Émilienne qui élève seule ses deux petits-enfants orphelins Blanche et Gabriel avec pour aide Louis le commis, un gamin battu par son père qu'elle a recueilli comme un oisillon blessé.

Cécile Coulon nous raconte une histoire dure et brutale comme peut être le travail de la terre. On ne ménage pas sa peine ni ses efforts. Son écriture, son style, ses mots collent parfaitement au récit, tout est d'un réalisme incroyable. Un roman d'une beauté sauvage, où la sensualité côtoie la rudesse, où le désir se mêle à la haine.
Deux mondes inconciliables qui s'affrontent le monde rural qui essaye de survivre et la ville véritable pieuvre qui étend ses tentacules.

Une construction originale, des chapitres courts dont les titres sont des verbes à l'infinitif. L'auteur nous emmène dans une intrigue qui va crescendo, une passion dévorante qui se transforme en vengeance et conduit le lecteur aux portes de la folie, un récit qui explose dans une fin inattendue.

Ce roman s'appuie sur des personnages totalement différents et criants de vérité:
Émilienne qui ressemble à sa terre, un arbre fort aux branches tordues. Prisonnière de ses quatre-vingts ans, elle s'économise en animal qui attend l'hiver.
« Parfois, le jeune couple s'autorisait à quitter les lieux pour manger au restaurant, mais Émilienne elle restait avec ses bêtes. Elle faisait partie du troupeau, même si elle marchait à l'avant. »

Blanche a hérité du bon sens de sa grand-mère : apprendre vite ou mourir. « Elle avait plus vite appris à marcher qu'à parler, débordante de mouvements, une enfant plus âgée était cachée en elle et attendait le moment d'éclore. » Enracinée dans sa terre, elle va être emportée par sa passion.

Louis le garçon de ferme, enfant battu et qui rêve de Blanche.
« Louis aurait adoré avoir Blanche pour soeur. Il l'aurait protégée, aimée, sans aucun doute grondée aussi, mais leur lien aurait été clair. Il en aurait compris les limites, les rives à ne pas franchir, les rivières dans lesquelles les garçons n'ont pas le droit de se baigner.
Pour la fille Emard, Louis n'avait aucun charme, aucun pouvoir érotique, il occupait la place d'un animal domestique, intelligent et docile. … Il ne faisait pas partie de la famille, il faisait partie de la ferme. »

Gabriel, un garçon naïf, cassé par la mort de ses parents, qui vit à travers les plaines de son chagrin.
« Aurore comprenait qu'elle ne soignerait pas Gabriel, qu'il y avait en lui un arbre noir depuis l'enfance, que la mort de ses parents avait arrosé de colère ; elle ne pouvait pas le tomber, cet arbre, seulement couper quelques branches quand elles devenaient trop encombrantes. Elle le rafraîchissait, le frictionnait de ses mots et de son sourire, elle le secouait pour que tombent de son âme des feuilles mortes et des fruits empoisonnés. »

Alexandre à l'ambition démesurée
« Alexandre n'était pas un garçon de grange, d'oeufs, de cornes. Alexandre n'était pas un garçon de marécage, de lisier, de grenouilles. Alexandre était un homme impatient dont les rêves dévorants dépassaient les contours du Paradis ».

Et puis le Paradis, personnage à part entière, terre difficile à apprivoiser pour laquelle deux femmes vont se battre. Une belle occasion de découvrir tout le talent de Cécile Coulon, si vous avez l'envie de connaître une autre facette de son écriture je vous conseille « Les Ronces » un recueil de poèmes en prose qui traitent du quotidien, magnifique !

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