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Critique de Sofiert


Imaginez un mélange de Tod Browning, Fellini, David Lynch et Bunuel, et vous aurez un aperçu de ce roman inclassable et magnifique.
La quintessence du roman noir ! Avec une vision glaçante de l'Amérique profonde, celle des plus pauvres, des désespérés, des abandonnés et des marginaux. Et tellement cinématographique...

A Garden Hills, il ne reste rien qu'une poignée de miséreux depuis le départ de Jack O'Boylan, un mystérieux magnat de l'industrie, que personne n'a jamais rencontré mais qui avait choisi d'y construire la plus grande mine de phosphate du monde. A la fermeture de la mine, certains sont restés pétrifiés, abasourdis, incapables d'imaginer un avenir ailleurs. Alors, ils attendent le retour de Jack. Comme Vladimir et Estragon attendent Godot.
D' autant plus qu'il leur a laissé un signe. Un messager qui se nomme Fat Man, qui approche des 300kgs en se nourrissant de boissons protéinees et de gaufrettes minceur. Fatman est le fils du propriétaire des terres de la mine et il a hérité d'une fortune colossale qu'il distribue avec parcimonie aux derniers habitants et à son serviteur, improbable jockey nain qui lui sert de nounou. Il utilise également son argent pour constituer une gigantesque bibliothèque mais " il collectionnait les livres comme il mangeait, _ au delà d'une vision impossible et d'une quête affamée de finitude."
Cette présence et cette prodigalité dans la maison en haut de la colline fait sens.
Il n'en faut pas plus pour que chacun soit persuadé du retour proche du messie.

Sauf qu'il y a Dolly, une fille de la ville, ex Miss Phosphate, qui va partir à New York à la recherche de Jack, pour lui offrir sa virginité en échange de son retour . Si elle ne le trouve nulle part, elle va néanmoins apprendre beaucoup sur la vie et en particulier que le sexe et l'argent mènent les hommes et le monde. Et elle découvre que ce Dieu qu'elle cherchait, c'est ce qui guide l'Amérique, l'argent.
" Et vous êtes Jack O'Boylan. Tout le monde l'est. Jack O'Boylan est une chose qui vit en nous tous, qui mange de la viande crue et boit du sang. Et soit vous l'admettez et vous en profitez, soit vous êtes bouffé par quelqu'un d'autre."

Dans cette cour des miracles à laquelle ils appartiennent tous, il manquait une apothéose que Dolly va mettre en scène. A la place de l'usine, un immense lupanar pour voyeuristes avec des danseuses dans d'immenses cages et des télescopes pour que les clients puissent observer des simulacres de vie, comme Westrim payé pour faire semblant de creuser un trou, rebouché chaque nuit ; ou des anomalies de la nature comme Fatman qui ne peut s'empêcher de combler un vide incommensurable en mangeant.

Pour Harry Crews, le pire de l'humanité n'est pas dans ces exclus qui survivent en marge et qui restent avant tout des victimes , mais dans cette masse boulimique qui succombe au délire consumériste et fait le choix de l'indignité.
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