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Critique de Sharon


Je me demande si une personne qui n'a pas lu Gens de Dublin aimerait ce roman, tant il est question de cette oeuvre et surtout de la dernière nouvelle du recueil Les morts et de son interprétation. Autant dire que James Joyce est vraiment au coeur de cette intrigue. Son oeuvre est analysée, parfois péremptoirement (comme si une seule interprétation était possible) et cette connaissance commune est le lien ente les différents personnages au début du roman. Fort heureusement, j'avais lu cette oeuvre, suffisamment marquante pour que je m'en souvienne encore des années après.
Je tiens aussi à signaler une petite déception : je m'attendais aussi à trouver Kate dans son université new-yorkaise. Rien de tel. Elle est à la campagne, dans le Masachussetts, dans une atmosphère champêtre qui évoque plus Tamara Drewe que les campus américains, à classer les papiers d'un ami universitaire décédé, dont sa correspondance avec un certain James Joyce. Et si un inédit de l'auteur apparaissait ? Ce serait une découverte littéraire de premier plan, qui offrirait peut-être un nouvel éclairage sur l'oeuvre phare de Joyce, Ulysse.
Pourtant, en dehors de la question littéraire, se pose encore et toujours avec Amanda Cross la question de la condition féminine, avec toutes ces femmes que nous rencontrons dans le roman. Devrai-je dire plutôt ces jeunes filles ? Les filles de l'universitaire décédé ont un destin hors norme. L'aînée est morte très jeune d'un cancer. Elle reste l'aînée, donc, sa mort prématurée lui ayant donné à vie cette seule identité. La cadette Virginia est devenue religieuse. Pour quelles raisons ? Nous ne le saurons pas, si ce n'est que son père a ressenti cette décision comme une trahison. Lina, jeune professeur d'université, éperduement amoureuse d'Emmet, vit sa virginité comme un fardeau (elle a presque trente ans). Grace Knolls est une vieille fille, une bas-bleue dirait-on. Professeur à la retraite, elle n'entend ni se faire dicter sa loi, ni se faire marcher sur les pieds. Comme toutes les femmes de sa génération qui souhaitait travailler, elle a dû choisir, faisant une croix sur le mariage et les enfants. Kate n'a plus l'âge de se poser des questions, et la demande en mariage de Reed, qui n'aime guère les enfants, arrive à point nommé dans ce coin du Massachussetts où l'on jase.
Que fait une jeune femme avec deux très jeunes hommes et un enfant qu'elle dit être son neveu ? La citadine qu'elle est découvre les moeurs de la campagne et perd non son innocence (qualifier Kate Fensler ainsi relèverait de la naïveté) mais les clichés qui l'emcombraient. Elle qui s'accommode si bien de l'homosexualité de ses collègues et de ses étudiants ne se voile pas la face quant à la pédophilie. J'ai juste eu l'impression qu'elle ne voyait pas en quoi il fallait fustiger un tel comportement, il faut juste veiller à l'empêcher, en éloignant certains messieurs. de même, elle autorise son neveu Léo à s'entraîner à viser à la carabine (désarchargée) de peur de passer pour une tante castratrice. La psychanalise est passée par là, et les femmes (dont Kate) ne savent plus comment se comporter, même face à un enfant dont le mal-être est causé parce qu'il est un enfant du milieu (dixit toujours les psys). Pour comble de bonheur, Léo ne trouve rien de mieux que de viser (sans balle, vous dis-je) la voisine, une fermière - même si ce n'est pas dit implicitement, je me demande si le fait qu'elle ne soit pas "du même monde" n'autorise pas ce comportement.
Toutes mes interprétations nous feraient presque oublier qu'elle a fini par mourir (accidentellement) et même si elle n'est pas extrêmement sympathique, elle est morte - voilà de quoi traumatiser à vie ce pauvre Léo qui, pour une fois, ne tenait pas la carabine en main. Reste à savoir qui l'a réellement tuée, c'est à dire qui a chargé la carabine (et les suspects ne manquent pas) et surtout pourquoi (mauvaise nouvelle : les mobiles non plus ne manquent pas). Kate souhaite trouver le coupable avant tout pour disculper les innocents - les rumeurs vont si vite à la campagne. Alors, oui, j'ai envie de vous dire qu'elle y parviendra - il est rare de lire des romans policiers où le meurte reste non élucidé. J'ai juste envie de ne pas vous dire comment elle le retrouvera ni quel est son identité - elle peut néanmoins remercier James Joyce pour son aide précieuse.
Lien : http://le.blog.de.sharon.ove..
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