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Critique de ecceom


Où comment la Vénus de Milo, lui donne une chaude piste

Les critiques paresseux expédient souvent James Crumley sur l'étagère du Noir, avec l'étiquette d'un « Chandler destroy ». Un peu court quand même.

Crumley ne boit évidemment pas dans la même catégorie que l'auteur de « The Long Goodbye » et ce n'est pas grave car l'écrivain du Montana (un de plus ! Thomas Savage, Jim Harrison Rick Bass, Norman McLean…il y a un truc dans l'eau là-bas ou quoi ?) mérite une place à part entière.

L'histoire de « Fausse piste »est édifiante.

En effet circa 70, la civilisation finissant par gagner même les coins les plus reculés des États-Unis, une décision législative laxiste décide que le flagrant délit d'adultère n'est plus la seule façon d'obtenir un divorce dans l'État du Montana.
Et pour un détective tel que Milo Milodragovitch, l'irruption du divorce par consentement mutuel signe la disparition d'une manne financière et le retour à la vie terne de privé (de ressources). Il est bien en attente d'un héritage prometteur, mais il ne pourra en bénéficier qu'à l'âge de 53 ans, soit, dans 14 ans, en raison d'une disposition testamentaire scélérate.

Et au rythme où il descend les bouteilles de whisky, 14 ans, c'est long et hypothétique.

C'est dans cette ambiance morose que surgit -pour le coup, c'est très chandlerien- la femme mystérieuse. Elle s'appelle Helen Duffy, et cette petite chose candide et fragile, recherche son jeune frère, dont elle sans nouvelles depuis de longues semaines. le cerveau embrumé par l'alcool et la concupiscence, Milo la fait d'abord fuir en suggérant un paiement en nature.
Mais bientôt, il se reprend et se lance à la recherche du jeune homme, dans la ville de Meriwether livrée aux junkies, aux ivrognes et aux flics corrompus.

Ce roman se nourrit de coups de poing, de coups de coeurs, d'une intrigue prétexte à un défilé d'âmes brisées dérivant dans l'alcool et le désespoir. Seule demeure chez Milo, une étincelle d'humanité rédemptrice, capable de lui laisser croire qu'il pourra jouir un jour d'une vie tranquille, avec sa belle et ses cannes à pêche.
C'est compter sans la poisse et ses sirènes qui cherchent en permanence à l'attirer au fond d'un verre.

C'est un grand récit, acre et mélancolique, drôle souvent, qui mérite d'autant plus qu'on prenne son temps pour le savourer, que la traduction de Jacques Mailhos, déjà remarquable avec les romans d'Edward Abbey ou Ross McDonald, est parfaite.

A noter parmi des dizaines d'autres, cette réflexion à méditer : « Que ce soit par de longs et ennuyeux discours ou par des regards qui en disent des kilomètres, les ivrognes ont toujours de bons arguments pour justifier leur ivrognerie. Ils boivent pour oublier ou pour retrouver la mémoire, pour y voir plus clair ou pour ne plus y voir du tout ; ils boivent parce qu'ils ont peur, parce que leur réussite les étouffe ou que leurs échecs les consternent ; ils boivent parce qu'ils n'ont pas de foyer et que leur coeur est solitaire, ou au contraire pour fuir l'horreur de leur ménage qui bat de l'aile. »
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