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Critique de sylviedoc


Elle n'a rien vu venir, Jean, et pourtant, ce n'est pas faute d'avoir été avertie par sa copine Jackie, près de vingt auparavant, quand elles étaient étudiantes et colocataires.
" Ah elle aurait dû y aller
Elle aurait dû le faire, crois-moi
On a tous dit "ah c'est dommage, ah c'est dommage" comme l'ont chanté Bigflo et Oli. Oui elle aurait du aller à ces manifs pour les droits des femmes, au lieu de rester la tête dans ses cours sur l'aphasie.
Parce que maintenant, c'est trop tard, les fondamentalistes au pouvoir ont fermé la bouche des femmes, les ont muselées. Elles ont droit à cent mots par jour, et il faut vraiment bien réfléchir à ceux qu'on prononce, parce que là par exemple, j'ai déjà dépassé le quota d'au moins vingt mots, et j'ai reçu plusieurs décharges électriques, et c'est pas des chatouilles, croyez-moi !
Elles n'ont pas le droit d'écrire, non plus, ni de lire, même pas des livres de cuisine. Par contre s'occuper du mari, des enfants et de la maison, ça c'est permis, et même recommandé !

Mais un jour, son mari Patrick rentre du boulot accompagné du révérend Carl, un proche du président. Et celui-ci lui propose un marché : comme elle est (était) une éminente spécialiste en neurosciences, et l'une des meilleurs pour tout ce qui concerne le langage, elle doit trouver le moyen de guérir le frère du président. Celui-ci, victime d'un accident, est devenu incapable d'aligner deux mots cohérents. En échange, elle retrouvera le droit à la parole, ainsi que sa fille Sonia, elles seront débarrassées de leur bracelet silenceur. Mais seulement jusqu'à ce qu'elle ait trouvé comment résoudre le problème... Si elle accepte, elle sera aidée pour cela par deux anciens membres de son équipe, dans des laboratoires flambants neufs, mais sous surveillance étroite. Bien entendu, les choses ne se passeront pas comme prévu...

J'ai évidemment été horrifiée par le postulat de départ, moi qui suis absolument incapable de fermer ma grande g.., pardon : bouche. Je pense que si on me mettait un tel bracelet, je finirais grillée comme un porcelet en quelques heures ! J'avais donc hâte de voir comment Jean se dépêtrerait de son dilemme, trouver un remède ou refuser de collaborer au risque de se retrouver complètement privée de parole, ou pire encore...
Je me suis jetée dans cette lecture, me projetant dans ce monde presque actuel, juste légèrement dystopique, où pour être bien vu il vaut mieux être du côté des Purs, c'est-à-dire les bons chrétiens, ceux qui respectent le dogme édicté par le révérend Carl. Bref, vaut mieux ne pas sortir du rang, revendiquer, être homo ou adultère. Et là, j'ai commencé à me dire que ce roman ressemblait un peu à un brouillon de QI, lu juste avant. On y retrouve nombre d'éléments communs : les femmes contraintes de se plier à des décisions arbitraires, un gouvernement totalitaire, un mari à la solde des dirigeants...entre autres. Effectivement, il a été écrit avant, c'est son premier roman, et sans doute l'auteure a-t-elle acquis depuis une meilleure maîtrise de la construction d'une intrigue. J'ai regretté que la fin ne soit pas aussi bien amenée que je l'espérais (elle est trop rapide), et peut-être que certains personnages secondaires auraient mérité plus d'attention (le facteur et sa famille notamment).
Cependant, c'est très addictif, tout comme QI, et nous amène à nous questionner sur les dérives dont nombre de femmes dans le monde subissent déjà les conséquences : je pense aux afghanes, par exemple, leur sort n'est guère plus enviable que dans ce roman...

Un dernier mot : "Vox" est souvent comparé (à son désavantage) à "La servante écarlate". Oui il y a une inspiration, c'est indéniable, cependant il a sa propre originalité, et pour ma part je l'ai préféré à son prédécesseur.
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