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Citations sur Cent penseurs de la société (15)

Alfred Sauvy
Tout le monde connaît Alfred Sauvy (1898-1990) – au moins de nom. Polytechnicien et statisticien, passé par la Statistique générale de la France (ancêtre de l’INSEE), universitaire rigoureux et personnage non conformiste, Sauvy est l’auteur d’une œuvre luxuriante qui comprend une cinquantaine d’ouvrages et une multitude d’articles théoriques ou grand public. Avec un souci permanent de pédagogie, il a joué un rôle primordial dans le développement de la recherche et de l’information démographique. Homme de science et d’action, il a forgé des expressions, notamment le « Tiers Monde », et des institutions, par exemple l’Institut national d’études démographiques (INED), devenu haut lieu de l’excellence et de la controverse françaises.
Hostile à la baisse du temps de travail à quarante heures, critique du corporatisme et du syndicalisme, il conseilla de nombreux gouvernements, du Front populaire à Pierre Mendès France. Rédacteur, à la fin des années 1930, des premières mesures politiques de soutien à la natalité en tant que conseiller du président du Conseil, ce père fondateur de la démographie française moderne a consacré sa vie intellectuelle et politique à l’amélioration de l’information du citoyen et à la lutte contre deux maux, « le malthusianisme et l’ignorance des faits ». Ses travaux pourfendent certaines idées reçues, montrant par exemple que la machine n’enlève pas systématiquement du travail à l’homme, ou que le vieillissement d’une population provient plus d’une baisse de la fécondité que de l’allongement de la vie.
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Michel Foucault
Penseur vedette, philosophe aussi érudit qu’engagé, Michel Foucault (1926-1984) traîne derrière lui une réputation un rien sulfureuse, issue de ses thèmes de travail et de sa personnalité. Au retentissement intellectuel de ses recherches sur la délinquance, la folie, la sexualité ou l’univers carcéral s’ajoute le tumulte politique des manifestations auxquelles il s’est associé, quand il ne les a pas provoquées. De ses pages, cours et combats ressort une œuvre vaste et originale, toujours sujette à interprétations, réfutations et, certainement, récupérations. Sa postérité se mesure notamment à travers un indicateur : Foucault serait l’auteur français le plus cité à travers le monde. Du parcours élitiste classique de normalien agrégé jusqu’au Collège de France, en passant par l’engagement maoïste, le soutien aux prisonniers et aux travailleurs immigrés, mais aussi l’enthousiasme pour la révolution iranienne, Foucault a intensément participé à la vie intellectuelle et politique. Éloigné des marxistes, rapproché des structuralistes, il fait en réalité plus école qu’il n’appartient à une chapelle universitaire. Contre l’ordre policier ou psychiatrique, toute son œuvre et tout son engagement public s’opposent à la « société disciplinaire ». Il explore, de l’âge classique à la période contemporaine, les multiples formes de la transgression à partir d’une plongée quasi archéologique dans les archives.
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Jean-Jacques Rousseau
Orphelin de mère, citoyen genevois, herboriste et musicien, philosophe aux discours couronnés par les Académies et aux restes transférés au Panthéon, Jean-Jacques Rousseau (1712-1778), est un des penseurs clés des Lumières. Toujours persuadé d’être persécuté mais régulièrement hébergé chez les puissants, il est universellement connu et diversement apprécié pour son soutien aux droits de chacun, sa glorification d’une fidélité conjugale fondée sur le sentiment, son projet de constitution pour la Corse ou ses idées religieuses valorisant plus la conscience individuelle que le respect des dogmes.
Rousseau, qui a eu cinq enfants naturels déposés à l’hospice, est l’un des pères de la pédagogie moderne. C’est après avoir abandonné ses enfants qu’il se serait préoccupé d’éducation. Dans son traité sur l’éducation, l’Émile (condamné à être brûlé en raison des positions religieuses qu’il y exprime), Rousseau avance les principes d’une entreprise éducative dont le pari pour l’enfant est le suivant : « Qu’il n’apprenne pas la science, qu’il l’invente. » Pour le grand Jean-Jacques (dont le nom a été donné à tant d’écoles et de lycées), tout a à voir avec la nature et la liberté. Sa formule « Tout est bien sortant des mains de l’Auteur des choses, tout dégénère entre les mains de l’homme » entre en résonance avec le célèbre début du Contrat social : « L’homme est né libre, et partout il est dans les fers. »
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Friedrich Nietzsche
Philosophe allemand à belles moustaches et au nom à l’orthographe malaisée, Friedrich Nietzsche (1844-1900) a renoncé à une carrière de pasteur pour devenir professeur de philologie à vingt-cinq ans et infirmier volontaire pendant la guerre franco-allemande. Il se fait ensuite placer à la retraite à trente-cinq ans et se lance dans la production d’une œuvre incontestablement parmi les plus géniales de la pensée occidentale. Il erre alors entre les Alpes suisses et les rivages de la Méditerranée avant de sombrer totalement dans la folie. Il passe en effet les dix dernières années de sa vie dans un mutisme total, jouant parfois du piano. Aujourd’hui adulée ou bien maudite après avoir été ignorée ou manipulée, son œuvre, non dépourvue d’ambiguïtés, sonne comme un hymne à la vie. Sa pensée élitiste, opposée au développement de la démocratie moderne, marquée par un refus catégorique de l’égalité entre les hommes dont l’affirmation serait une sorte de revanche des incapables, peut paraître à la source de bien des dirigismes.
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Claude Lévi-Strauss
Entré de son vivant dans la Bibliothèque de la Pléiade, Claude Lévi-Strauss (1908-2009) a consacré sa vie à l’interprétation des mythes. Celui que les Américains appellent Claude L. Strauss (pour ne pas le confondre avec la marque homonyme de jeans) est connu pour être souvent présenté comme un des mousquetaires du structuralisme, pour avoir fréquenté les milieux surréalistes, mais surtout pour avoir élaboré des instruments de pensée qui ont fécondé des travaux dans bien des domaines. Il a suscité et suscite encore d’importants débats intellectuels qui ont eu et conservent une immense influence sur les sciences sociales comme sur la peinture, le roman ou encore la biologie. Ce grand nom de l’anthropologie, qui a longtemps fréquenté les couloirs du Collège de France avant de devenir immortel et de prendre place sous la coupole de l’Académie française, est un talentueux narrateur de mythes. Son ouvrage Tristes tropiques, que certains esprits malicieux ont rebaptisé « Twist aux tropiques », rencontre un large succès et introduit Lévi-Strauss au sein de la catégorie naissante des intellectuels médiatiques.
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Charles Taylor
Charles Taylor (né en 1931) a longtemps enseigné les sciences politiques et morales à Montréal. Ce penseur d’outre-Atlantique, familier de la culture européenne, a provoqué un écho autour du communautarisme. Impliqué dans la vie publique canadienne, ce spécialiste de Hegel compte surtout parmi les plus importants représentants de la philosophie morale anglo-saxonne. Dans les distinctions de chapelles contemporaines, il fait partie des « communautariens », opposés à ceux qu’on baptise les « libéraux » (comme John Rawls). Pour les premiers, soucieux de tradition, la juste distribution des ressources ne peut s’opérer sans tenir compte des contextes et des cultures. Les individus sont attachés par des appartenances, et l’État est érigé en responsable d’objectifs sociaux. Pour les seconds, épris de liberté, les principes de justice doivent pouvoir être généralisés en règles universelles. Les individus sont libres et l’État, qui peut intervenir, a pour vocation la neutralité. Les libéraux visent d’abord le juste, les communautariens le bien.
Théoricien du communautarisme, Taylor critique le libéralisme atomiste qui isole les individus. Il considère que la communauté, comme la liberté ou l’égalité, est un bien en soi. Elle permet de rassembler et de mettre en valeur les éléments qui la composent.
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Alexis de Tocqueville
Né noble, juste après la Révolution, Alexis de Tocqueville (1805-1859) n’a eu de cesse de se pencher sur les questions d’égalité et de démocratie. Jeune magistrat envoyé en Amérique pour y étudier le système pénitentiaire, il a connu des deux côtés de l’Atlantique un immense succès avec ses ouvrages. Élu député de centre gauche, il a également été membre de l’Institut puis un éphémère ministre des Affaires étrangères qui s’est retiré de la vie politique après le coup d’État du futur Napoléon III. Il a mis son talent et son action au service du problème crucial de la compatibilité entre égalité et liberté. Il apparaît comme un penseur fondamental de la modernité, quand la « passion ardente » de l’égalité l’emporte sur le goût de la liberté.
Sociologue, il s’interroge sur la subsistance de la liberté individuelle face aux profondes aspirations égalitaires. Il montre les divergences entre Europe et Amérique dans leur façon de devenir des sociétés démocratiques. Philosophe libéral, ses réflexions dénoncent les tyrannies et les catastrophes en germe derrière une démocratisation qui serait égalisation autoritaire des conditions, individualisation totale des personnes et centralisation absolue du pouvoir. Il met en exergue les risques de dérive d’une démocratie d’extrême égalité vers un État tutélaire, chaque citoyen étant invité à se réfugier dans une vie privée dégagée de la collectivité. Tocqueville souligne que dans les sociétés aristocratiques, chacun avait une place bien attribuée, dans une « longue chaîne qui remontait du paysan au roi »…
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Philippe Ariès
« Historien du dimanche », comme il se qualifiait lui-même, Philippe Ariès (1914-1984) est mondialement connu pour sa thèse de l’indifférence médiévale envers les enfants et pour ses travaux sur les attitudes devant la mort. Ayant échoué à l’agrégation, il est longtemps resté en marge du système universitaire français, malgré le succès international de ses ouvrages. Négligé comme amateur, il pouvait également être discrédité comme conservateur. Il est vrai qu’en tant que compagnon de route de l’école de pensée monarchiste et ouvertement réactionnaire de l’Action française, Ariès ne comptait assurément pas parmi les progressistes, sans pour autant verser dans l’extrémisme.
Il se voulait historien des mentalités et des comportements, envisageant dans la très longue durée des phénomènes situés à la charnière du biologique, du social et du mental. Associé à l’aventure de la « nouvelle histoire » et de l’École des Annales (du nom de la revue), il appartient à ce style d’historiens, avec Fernand Braudel ou Georges Duby, qui aux guerres et aux grands hommes préfèrent l’étude de la vie ordinaire.
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Charles Dickens
Écrivain populaire britannique, traduit dans bien des langues et adapté pour (petite) partie de son œuvre au cinéma, Charles Dickens (1812-1870) n’a jamais fait d’économétrie sur le coût de l’enfant ou sur les prestations familiales (d’ailleurs inexistantes en son temps). Son nom figure néanmoins, avec ceux d’autres grands romanciers sociaux, au panthéon des auteurs ayant participé à la mise sur l’agenda public des nécessaires protections à garantir aux enfants.
D’extraction sociale modeste, il va – sinon inlassablement, du moins très régulièrement – dénoncer, notamment par le conte, la misère et l’exploitation. Dès l’âge de douze ans, poussé en cela par l’emprisonnement (pour dettes) de son père, il a été contraint de travailler dans une fabrique de cirage. Traumatisé par cette expérience de labeur précoce et de souffrance, il fait dans ses livres les plus connus le portrait d’enfants très jeunes confrontés à l’injustice et aux difficultés de la vie. Le célébrissime Oliver Twist, orphelin exploité dès son tout jeune âge, endure d’abord et résiste ensuite. « Fragment d’espèce humaine », son histoire, pleine d’ironie, de rebondissements et de saveur, est une peinture de l’Angleterre industrieuse et inégalitaire du xixe siècle. Le tout aussi célèbre David Copperfield est une transfiguration, à fondement autobiographique, de l’enfance et de la réalisation de soi. C’est toute une vision de Londres, à travers des yeux d’enfants, qui circule dans le monde entier et qui montre ce que sont les épreuves et les humiliations de la société industrielle.
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Raymond Aron
Figure de l’intelligence française, Raymond Aron (1905-1983), normalien major de l’agrégation de philosophie, s’est vu donné, dans un livre d’entretiens, une sorte de définition : spectateur engagé. Acteur majeur de son époque, éditorialiste à la plume mémorable, professeur admiré, penseur célébré ou ostracisé (c’est selon), Aron embrasse, avec éclectisme et exigence, le monde moderne et la condition historique humaine dans toutes leurs dimensions. Esprit critique redouté, expert mondialement réputé, conseiller écouté, il suit De Gaulle à Londres, pour s’opposer ensuite au Général sur des questions d’indépendance nationale. Valorisation de la liberté dans le fond et modération dans le ton composent une œuvre aussi consistante qu’importante.
De ses articles du Figaro, qui exaspèrent parfois, à ses volumes sur l’évolution des idées, ses écrits paraissent dispersés. Ancien socialiste devenu anticommuniste et figure de proue libérale, Aron, travailleur acharné, deviendra un directeur de thèse prisé, amenant à la sociologie des esprits brillants qui ensuite le suivront ou bien se rebelleront. Peu versé dans les études empiriques, il contribue à l’institutionnalisation et au renouvellement des études sociologiques en France. Une galaxie aronienne se forma au fil du temps, perpétuant une tradition de pensée libérale, en marge des tendances universitaires centrales.
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