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Critique de SZRAMOWO


C'est toi le venin, fut mon premier livre «adulte». J'avais 13 ans et une cousine du même âge, nous étions en 5ème, très curieux du comportement des adultes, et préoccupés de savoir si nous aussi un jour nous deviendrions des adultes aussi détachés des choses de la vie, et aussi confiants dans l'avenir que ceux qui nous entouraient.
Un grand frère, au service militaire à Tulle, nous revenait de temps en temps selon une logique d'attribution des permissions assez baroque. Il écrivait, pour prévenir, le colon m'a octroyé une 72 heures, c'était alors la fête à la maison, nous étions contents de le voir pour un grand week-end, mais surtout contents de pouvoir fouiller sa valise remplie de livres aux couvertures plus évocatrices les unes que les autres.
Lors d'une de ces permissions, après une incursion dans la valise enchantée, nous sommes tombés en arrêt, devant la couverture de «c'est toi le venin» de Frédéric Dard. A l'époque, les éditions Fleuve Noir faisait alors appel au Dieu de l'illustration parlante, Michel Gourdon.
Une jeune femme blonde en fauteuil roulant fait face à un homme dissimulé dans l'ombre de la pièce. On devine son visage, plus qu'on ne le voit, mais sa chemise aux poignets mousquetaire, ses boutons de manchette, sa pochette et sa cravate club luisent. Elle le désigne de sa main droite, mais son visage aux yeux clairs, malgré un froncement de sourcils, ne s'assombrit pas du courroux de son bras levé vers lui.
Une pin-up à la taille de guêpe, à la poitrine agressive, aux cheveux blonds soigneusement peignés tombant sur ses épaules découvertes, une bague dorée à l'annulaire, une boucle d'oreilles en perle blanche, un double bracelet au poignet, une jupe écossaise, comble du chic.
Que peut-elle lui dire ? Qui est-elle ? Que lui veut-il ? La menace-t-il ? Est-il son fiancé, son mari ? Autant de questions que d'envies de savoir, de lire, de découvrir ce qui se cachait derrière cette illustration symbolique.
La lecture s'avéra plus ardue que prévu, Victor Menda, drôle de nom d'ailleurs, le héros, agissait de façon bizarre, pourquoi revenir chez la femme qui avait voulu le tuer ?
Il est amoureux répondait ma cousine sure de son fait.
Mais Victor était plus qu'amoureux, comme je le compris plus tard en relisant ce livre initiatique, il cherchait comme beaucoup d'hommes à percer le mystère d'une femme, en l'occurrence de deux femmes presque jumelles s'ingéniant à ne faire qu'une pour mieux l'attirer.
Littérature datée, mais talentueuse, se démarquant des romans policiers traditionnels, fuyant le triptyque détective, femme fatale, policier véreux, politicien ivre de gloire, pour placer l'intrigue au coeur de la vie de personnages communs qui s'ingénient à trouver le bonheur dans l'obscurité inquiétante de leurs fantasmes les plus secrets.
Comme l'écrit Alain Quesnel (Le nouveau Dictionnaire des auteurs-1994-) :
Ici, l'intrigue policière se plie à une analyse psychologique des plus fines qui révèle une vision pessimiste de la condition humaine. Dard peut légitimement être situé du côté de chez ­Céline,Marcel Aymé, voire Roger Nimier, à cause de son rejet désespéré de la “connerie universelle”
J'approuve sans hésitation.
Lien : http://desecrits.blog.lemond..
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