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Citations sur L'archipel des hérétiques (11)

Si Jeronimus était un familier et un disciple du peintre, et s'il essayait vraiment d'accorder sa propre conduite à ses enseignements, force est de constater qu'il en a donné une interprétation monstrueuse. Nous ignorons tout des véritables opinions de Torrentius si ce n'est qu'elles s'écartaient résolument de l'orthodoxie dominante et qu'il avait probablement certaines idées épicuriennes et gnostiques. Il serait certainement abusif d'assimiler le peintre à la confrérie de la Rose-Croix ou aux Libertins. Torrentius ne croyait peut être pas de façon littérale aux mythes que relate la Bible, et tout comme Cornelisz il réfutait sans doute l'existence de l'enfer, mais rien ne nous permet d'en conclure qu'il partageait sa conviction d’être inspiré par Dieu dans le moindre de ses actes, et jusque dans le meurtre. Il serait donc injuste de lui faire assumer la responsabilité du carnage des Abrolhos.
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La plupart de ses tableaux avaient été confisqués et brûlés par l'exécuteur des hautes œuvres, pendant ou après son procès, et les quelques toiles qu'il peignit en Angleterre ont été perdues. On a longtemps pensé qu'aucune de ses œuvres n'avait survécu, mais juste avant la Première Guerre mondiale, une toile fut redécouverte. Il s'agit d'une nature morte ayant appartenu à Charles Ier et représentant une bonbonne et une cruche près d'un verre de vin et d'une bride. La toile avait disparu en 1649, après la mise aux enchères de la collection royale. On ne sait trop comment, on la vit réapparaître en Hollande, aux environs de 1850. On avait perdu toute trace de ses origines. Elle fut acquise par un certain J.F. Sachse, épicier à Enschede, et survécut par miracle au grand incendie qui ravagea la ville en 1862. Elle fut finalement retrouvée et identifiée en 1913 - à l'époque les héritiers de Sachse s’en servaient comme couvercle, pour protéger un baril de raisins secs. Après sa restauration la toile rejoignit les collections du Rijksmuseum d'Amsterdam, où elle est actuellement exposée.
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Parmi ceux qui survécurent à Jacob Pietersz et à ses compagnons de mutinerie, rares furent ceux qui connurent une fin heureuse.
Ce fut pourtant le cas de Johannes Van der Beeck. Torrentius, au nom duquel Jeronimus fut accusé du meurtre de cent
quinze personnes des deux sexes et de tous les âges, ne purgea que deux des vingt années de prison auxquelles il avait été condamné pour hérésie - et encore, dans des conditions de détention plus que confortables, puisqu'il disposait d'une bonne ration de vin et pouvait recevoir des visiteurs dans sa cellule. Sa femme Cornelia, dont il était pourtant séparé depuis quatorze ans, fut parmi les plus assidus de ses convives. Elle avait l'autorisation de venir lui tenir compagnie jusqu’à deux semaines d'affilée.

Torrentius pouvait compter sur des alliés puissants, en Hollande comme en Angleterre. Parmi ses relations figurait le prince Frederik Hendrik d'Orange en personne, stadholder de la République de Hollande, qui tenta sans succès d'obtenir la libération du peintre peu après sa condamnation. Le roi Charles Ier d'Angleterre, un autre illustre admirateur de Van der Beeck, semble n'avoir pas été trouble outre mesure par ses hérésies. En 1630, il écrivit en Hollande pour demander que Torrentius soit envoyé à la cour d'Angleterre. Contre l'avis des bourgmestres de Haarlem, Frederik Hendrik accepta de lui accorder son pardon et, en retour, Charles promit que dans son royaume le peintre «serait autorise a exercer son art, mais pas sa langue impie». Sir Dudley Carleton, l'ambassadeur d'Angleterre qui fut chargé d'escorter Van der Beeck pour le ramener à la cour royale, s'en fit une opinion relativement favorable, puisqu'il le décrivit comme n’étant « certes pas aussi angélique que le prétendent ses amis, mais pas aussi diabolique qu'au dire de ses ennemis». La grâce de Torrentius fut signée le 11 juillet 1630, quatre jours après l'arrivée des premiers vaisseaux de la flotte des Indes à Rotterdam, et bien avant que la nouvelle du naufrage du Batavia - et donc le rôle qu'avait pu y jouer le peintre, en tant qu'inspirateur de Cornelisz - ait eu le temps de s’ébruiter. On peut se demander si la décision de gracier Torrentius eût été maintenue, au cas où la flotte serait arrivée une semaine plus tôt.

De 1630 à 1641 ou 1642, Van der Beeck vécut à la cour d’Angleterre où il semble avoir «fourni plus de motifs de scandale que de satisfaction » selon la formule de Horace Walpole. Il peignit relativement peu. Finalement, la pension qu'il recevait du roi fut supprimée pour cause de guerre civile et le peintre regagna discrètement la Hollande. N'ayant plus un sou vaillant, il dut se faire entretenir par sa vieille mère jusqu’à sa mort, qui survint en février 1644. Les autorités calvinistes l'avaient soit oublié, soit pardonné, car le célèbre hérétique de Haarlem fût enterré en terre consacrée, dans les murs de l'église nouvelle d'Amsterdam.
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Simon Leys, liminaire des Naufragés du Batavia.

Enfin Mike Dash vint. Avec son Batavia's Graveyard, cet auteur-ci a vraiment mis dans le mille - et il ne me reste plus rien à dire. Dash démêle et organise clairement les fils complexexes des personnages et des événements; il les situe dans leur contexte historique, et surtout, il a accompli un prodigieux travail de détective dans les archives hollandaises de l'époque. Après avoir lu et relu cette synthèse définitive, j'ai remisé une fois pour toutes la documentation et les notes, photos et croquis que j'avais glanés sur cette affaire dans les bibliothèques et sur le terrain : je n'en aurai plus jamais besoin. Et maintenant, en publiant les quelques pages qui suivent, mon seul souhait est qu'elles puissent vous inspirer le désir de lire son livre.
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A Amsterdam, votre détermination à prendre le risque d'un long voyage prévalait sur votre passé, puisqu'il suffisait, là-bas, de réaliser une ou deux bonnes opérations pour se refaire une fortune et une réputation.
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Par la suite, les plantes prospérèrent sur ces restes humains, qu'elles emprisonnèrent dans le réseau serré de leurs racines. Elles proliférèrent jusqu'à ce qu'elles en aient consommé les dernières ressources, transmuant en jardins spontanés ces charniers, dont les cadavres ressuscitèrent sous les espèces de ce paradoxal printemps.
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Les anabaptistes s'étaient révélés de dangereux révolutionnaires ne craignant pas de s'opposer activement aux autorités laïques et déniant toute allégeance aux pouvoirs terrestres, qu'ils soient féodaux ou fédéraux. A Münster, ils avaient renversé les valeurs et l'ordre établis au point de mettre toutes leurs possessions en commun, et de partager les vivres et les biens entre tous, en fonction des besoins de chacun. Vers la fin du siège, comme les femmes se trouvaient nettement majoritaires, les chefs avaient même institué un système de polygamie.
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"Il l'avait laissé perpétrer le mal sans élever la voix et en fermant les yeux dans l'espoir de prolonger sa propre vie." Et en fait, dès que la position de Cornelisz lui avait semblé suffisamment établie, il s'état hâté de passer du côté des mutins. Mais il allait devoir acquitter le prix de sa lâcheté.
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A la différence des deux grands courants religieux protestants, l'anabaptisme ne s'était doté d'aucune organisation centralisée. Au début des années 1520, on vit donc des groupes de foi anabaptiste émerger spontanément, ici ou là, de façon plus ou moins simultanée, dans plusieurs villes suisses ou allemandes. En l'espace d'une décennie, c'est une quarantaine de sectes indépendantes qui apparurent dans le centre de l'Europe. Ces groupes avaient en commun un certain nombre de dogmes. Ils s'opposaient résolument à toute idée de prédestination, croyaient au libre arbitre et considéraient le baptême des nouveaux-nés comme une mascarade. A leurs yeux, seul un adulte en pleine possession de ses moyens pouvait accepter d'entrer dans l'Eglise du Christ. Ils refusaient de baptiser leurs propres enfants et rebaptisaient leurs convertis.
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La première tâche d'un médecin était de déterminer le tempérament propre de son patient. C'était aussi le principal écueil de son art, puisqu'il devenait relativement simple, une fois ce diagnostic porté, de définir les humeurs en excès et de traiter le mal en prescrivant un remède qui présentait des qualités opposées : la fièvre, mal chaud et sec que l'on considérait comme provoqué par un excès de mollesse ou de complaisance envers soi-même, se soignait par un régime alimentaire froid et humide, tel que le poisson.
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