Citations sur L'art et les artistes, tome 5 : Avril-Septembre 1907 (2)
Chardin se rattache, cela est évident, aux petits maîtres flamands, et surtout aux petits maîtres hollandais, fraternisant avec tous dans l'art de faire vivre en un clair-obscur chaud et transparent des personnages de modeste condition, singulièrement vivants et vrais. Mais à rencontre des Téniers, des Steen, des Brauwer, des Ostade..., il sait ennoblir son idéal par le choix de sujets empruntés à la vie honnête et laborieuse. Pas de bambochades, pas de joyeuses saoûleries, pas une seule note d'un réalisme grossier ou libertin dans toute l'oeuvre de Chardin.
Toute l'oeuvre de Chardin est un superbe enseignement, pour les peintres. Ils y apprendront l'art de voir juste et de dire vrai.
Cet artiste extraordinaire débuta par des chefs-d'oeuvre, et dès lors les sujets les plus humbles auxquels s'attaqua son prestigieux pinceau s'ennobliront pour l'éternité.
Indifférent à la majesté des formes, à l'héroïsme théâtral des attitudes, il se plaît à dessiner, avec une impeccable sincérité, l'intimité des choses baignées d'un jour familier. Et, grâce à la richesse de sa matière, à sa science presque instinctive du jeu des valeurs, à sa vision émue des aspects les moins émouvants, il arrive à célébrer avec une somptuosité de couleurs, d'un réalisme singulièrement évocateur, l'écorce brodée d'un cantaloup, et la pulpe odorante et savoureuse de sa chair.