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Critique de PaulCambon


Debray, en bon littérateur, a le courage d'orchestrer, loin du petit écran, un match peu évident de prime abord, mais de manière assez convaincante, sur l'identité nationale littéraire. Selon lui, le vrai gagnant de l'époque, en France, serait Stendhal, qui par son romantisme, son jeunisme, son individualisme, dans ses romans comme dans sa vie, voire par ses échecs et frustrations, constituerait LA référence à la mode et snoberait un Hugo relégué parmi les auteurs scolaires. Ce serait là la modernité française. L'"aéré du style", le « décousu main », les ellipses ont sans doute contribué pour partie à une certaine adhésion. Les héros stendhaliens ont également de quoi enthousiasmer. de fait, Stendhal brasse large effectivement, et l'écrivain rassemble de manière paradoxale des adeptes aux opinions politiques très tranchées. Par opposition, l'hommage rendu à l'homme plutôt qu'à l'écrivain Hugo relève d'une poignante sincérité et rappelle effectivement qu'il fut l'homme de quasiment tous les combats.
le match est pourtant loin d'être plié. L'opposition n'est pas si tranchée. Stylistiquement, Stendhal n'est pas vraiment non plus l'apogée d'un style photographique ni éclaté dont le XXe siècle fourmille. C'est aussi un romantique qui fait croire au bonheur, et pas seulement un chroniqueur cynique. Politiquement, Stendhal est plus engagé, il a bien pris part mouvements libéraux de l'époque (Vanina Vanini) et les ultras en prennent bien pour leur grade (Le Rouge et le Noir, Lucien Leuwen...). Côté Hugo, il est difficile de souscrire pleinement à l'idée de son déclin actuel tant les événements, les séries (Les Misérables ; Hugo, ennemi d'Etat), les documentaires (Hugo en exil), les publications continuent de lui rendre hommage certain. L'exclusion trop rapide d'autres prétendants, comme Flaubert dont Barnes voudrait faire le patron de notre époque, montre que la couronne est au moins partagée, et les valeurs plurielles.
Au-delà, le titre accrocheur soulève une autre question plus profonde sur les idées de l'époque : individualisme replié, consécration du soi et du roman personnel, frustrations et échecs. On ne dissimule pas un certain malin plaisir à retrouver ici un exercice de style familier à l'auteur. le trait est cependant forcé, « Stendhal » devenant alors un prétexte à une critique plus général. C'est alors on peut sérieusement se questionner sur l'existence même d'un tempérament national unique et distinct. Posé comme une évidence, les grands symboles nationaux étrangers semblent également assez éloignés des pratiques politiques et des identités nationales en cours. Si Johnson est shakespearien, c'est plutôt Macbeth. Quant à Confucius/Xi Jiping…
le plus paradoxal sans doute tient à ce que le critique se prend à son propre jeu. Son propre style, formulaire, allusif, la rédaction fugitive de l'essai empruntent bien davantage à celui qu'il prétend condamner (Stendhal) qu'au candidat de son choix. Ce qui fait l'intérêt de cet essai, c'est bien sa brièveté et son allant. Au moins, Debray a le mérite de s'engager et de lancer le débat, proposant une vision littéraire des débats actuels, et ce n'est pas là sa moindre qualité.
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