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Citations sur Le Seigneur de Charny (15)

A peine [Florentine] eut-elle quitté la pièce que Marie repoussa les couvertures et se redressa sur sa couche. C'était une jeune fille de quinze ans, non pas entrée dans l'âge adulte, mais déjà sortie de l'enfance : son visage était plein, ses yeux brillaient de malice, et deux petits seins pointaient, gonflés de jeunesse, à travers sa chemise de lin.
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La guerre est chère ; s'y adonner, c'est risquer la ruine, mais l'éviter, c'est s'assurer le déshonneur.
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Le sang bout dans tes veines ; ce n'est pas un péché, c'est une vertu.
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On ne dîne pas le matin, quand on est de noces le soir.
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Il faut être bien fou pour croire qu'un homme, fût-il saint, ne se trompe jamais.
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– Faites quelque chose, messieurs, supplia Hélène, je vous en conjure !
Sans se faire prier, Jacques quitta sa houppelande et ses chausses, et, vêtu de son seul pourpoint, et de collants retenus au gilet par des aiguillettes, il bondit au milieu des nénuphars et des sillons de vase. En un instant il avait saisi le vieillard, et l’amenait à la rampe de bois. Puis, avec l’aide de Miles, il le tira hors de l’eau, et le confia aux porteurs, qui l’installèrent sous le dais de sa litière.
– Mon pauvre ami, dit Hélène en s’approchant et caressant le front du barbon.
Celui-ci, inconscient, semblait mal en point ; ses paupières étaient gonflées, et un filet d’eau s’écoulait de sa bouche. Soudain il ouvrit les yeux, se pencha sur le côté du brancard, et vomit.
– Qu’est-il arrivé ? dit-il, hagard, en cherchant Hélène des yeux.
– Ce n’est rien, monsieur mon époux, vous avez perdu l’équilibre en descendant à l’étang. Vous étiez submergé par les flots, quand M. de Charny vous a sauvé.
Jacques ruisselait d’eau et de vase ; il se sentait vaguement ridicule ; cependant l’élan de reconnaissance et de sympathie qu’il perçut dans la voix d’Hélène lui fit oublier son accoutrement.
– Je vous reconnais, articula Rabier.
Et, tournant son visage cramoisi vers le jeune seigneur :
– Vous êtes l’ancien promis de ma femme.
Jacques acquiesça de la tête, pendant qu’Hélène baissait les yeux.
– Vous m’avez sauvé la vie, monsieur, continua le vieillard, et je vous en sais gré.
Et, lançant un regard glacial à ses servants :
– D’autres, à votre place, m’auraient laissé mourir dans cet étang.
Rabier frissonna, avant d’ajouter d’une voix sourde :
– Vous serez un bon époux pour Hélène, quand j’aurai disparu ; et croyez-moi, cela arrivera bientôt.
– Ne parlez pas de malheur, protesta Hélène en tirant une couverture sur le corps maigre et flapi.
– J’ai très froid, pourtant ; la tête me tourne, et je ne sens plus mes pieds.
Et il ajouta, avec un regard terrifié, et terriblement conscient :
– Je crois que je vais mourir.
Aussitôt il se contorsionna de douleur et gémit si fort qu’il semblait que son âme allait sortir par sa bouche.
– Comment va-t-on l’enterrer ? murmura Miles à l’oreille d’Arnaut ; c’est le dernier croque-mort de la région.
– Ne parle pas trop vite, fit Arnaut ; le vieux Rabier nous annonce sa mort chaque jour, et chaque fois il se remet des crises, des noyades et des apoplexies. Regarde-le : il est bien vif.
Au même instant, semblant confirmer les propos du jeune homme, l’accès de fièvre s’atténua, et Rabier respira plus librement. Hélène appela les deux porteurs, et ceux-ci soulevèrent le brancard.
– Merci, messieurs, dit la jeune femme en s’engageant sur le chemin de gravier ; maintenant, si vous le permettez, je rentre afin de soigner mon pauvre époux.
Et, avec un sourire discret et une tournure de voix qui semblaient s’adresser à Jacques :
– Mais revenez à l’occasion, quand Anton sera rétabli.
– Vois-tu ? dit Arnaut, observant le petit convoi formé par Hélène, Fernand, les deux porteurs et le barbon, qui toussotait sur sa civière brodée ; ce genre de vieil animal s’altère, mais ne meurt pas.
– Ma soif, elle, ne s’altère qu’Au Père tranquille, dit Miles ; et il se trouve que j’y ai réservé la meilleure table.
– Vraiment, Rabier ne craint pas la mort, poursuivit Arnaut, sans tenir compte de l’intervention de Miles, et les yeux toujours braqués sur le palanquin, qui disparaissait dans le feuillage ; à force d’en faire commerce, il semble qu’il l’ait vaincue.
Jacques, non loin, s’ébrouait comme un jeune chien, et grattait la boue qui séchait sur son vêtement.
– Allons, mes amis, allons, dit-il, après qu’il eut rajusté son pourpoint ; soyons oublieux de la mort, et profitons de la vie.
Aussitôt, s’accordant par un silence convenu, les trois amis marchèrent jusqu’à l’Aube, empruntèrent le bac, sous l’agile conduite de Pierrot, rejoignirent leur monture respective et, à bride abattue, partirent se saouler au Père tranquille.
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C’en était trop pour Anselme : il quitta la Saintonge et regagna la forêt de Cîteaux.
Il retrouva dans l’antique abbaye, qui avait choisi la plus stricte neutralité entre Rome et Avignon, la joie parfois égoïste de la solitude ; cependant, après quelques mois de méditation, il fut assailli par un questionnement, dont il ne parvenait pas à se départir : comment vivre de prière et de silence, alors qu'au-dehors la violence étreignait le monde ?
Pris d’un doute ontologique, il demanda qu’on le défroque, afin de rejoindre un des ordres mendiants, alors en pleine expansion ; mais l’ordre de Cîteaux connaissait sa valeur, et lui proposa une charge d’abbé aux confins de l’Écosse, sur les îles Hébrides, un territoire perdu, où sévissaient les mages et les nécromanciens. Il y avait fort à faire, lui fit-on valoir, pour la propagation de la foi. Sur l’île d’Iona, en effet, les cultes tribaux concurrençaient la vraie foi. Dans certains monastères, la règle de saint Colomban tendait à supplanter la règle de saint Benoît. Anselme dut apprendre à composer avec les traditions locales et les croyances héritées des rois pictes. Lui qui n’avait jamais été marialiste, il théorisa devant les fidèles la conception virginale et la sainteté perpétuelle de Marie, car ces chrétiens des confins du monde aimaient passionnément la mère de Jésus, au point de l’idolâtrer. Pour susciter les vocations, Anselme avait recours à saint Serf ou saint Drostan, plutôt qu’à Bernard de Clairvaux. Et chaque dimanche, à l’église de Mull, devant des assemblées de moins en moins clairsemées, il convoquait les bestiaires et les fabliaux pour complaire aux dévotions animalières, largement répandues dans cette contrée. Après quatre années de ministère, au prix d’un pragmatisme dont il ne se serait jamais cru capable, et de larges renoncements à la stricte observance, Anselme avait repeuplé les couvents d’Uist, Jura et Mingulay et chassé l’hérésie de l’île d’Iona. C’est là qu’il fut rappelé à Cîteaux.
Alors qu’il espérait retrouver en val de Saône le bonheur d’une retraite méritée, à peine fut-il arrivé dans l’antique abbaye qu’un capitulant du chapitre lui apprit qu’il était attendu à Lirey. L’ancien prieur de la collégiale venait de passer de vie à trépas ; les seigneurs de Lirey prétendaient posséder le saint suaire et en faisaient l’ostension ; l’évêque de Troyes criait à l’imposture et réclamait l’intervention d’Avignon.
En un mot, la place était à sa mesure.
Il la prit.
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Charles retrouvait, ce matin-là, en entrant dans ce caveau saturé d’odeurs humides et pénétrantes, l’impression d’abîme et de grandeur qu’il avait ressentie en traversant l’immense nef. Et, comme le prieur Anselme, après avoir convoqué d’un geste les deux novices qui l’accompagnaient, s’apprêtait à tirer le couvercle du coffre, afin d’en révéler le contenu, le roi dit d’une voix forte :
– Arrêtez !
Car il voulait, seul, ouvrir le coffre orné de fer et d’argent, et entrevoir le corps supplicié.
Le couvercle était lourd : Charles dut s’y prendre à deux fois. Finalement, la chape bascula, et chut au sol dans un grand fracas de plomb. Le jeune roi vit d’abord un voile blanc et vaporeux. C’était un tissu protecteur, d’une rare délicatesse. Charles le saisit prudemment et le tendit au prieur. Plus bas, au fond du coffre, reposait une grande toile, moins claire que la première, et repliée avec soin.
Charles demanda un flambeau. Anselme, après quelques mots de mise en garde, tendit sa flamme à l’adolescent. Le roi l’approcha de la toile avec une infinie lenteur, car il ne voulait pas qu’incidemment une braise se détachât et enflammât le drap de lin. Puis, tandis que d’une main il agrippait fermement le coffre, et que de l’autre il maintenait la torche, il s’enfonça dans le grand écrin plombé.
Alors qu’on ne voyait plus de lui qu’un bas de chemise, ses poulaines moulantes, alors à la mode à Paris, et ses chausses à bout pointu, sa main gauche se contracta sur le rebord ouvragé. Et alors on entendit, semblant jaillir d’un sépulcre, et résonnant dans la grotte :
– Dieu !
Car, en manipulant le drap de lin, avant même d’apercevoir le corps martyrisé, Charles avait distingué un visage. Et comme saint Jean voyant les linges dispersés dans la chambre mortuaire, il vit et il crut.
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Le soleil se leva sur la plaine.
Les trois mille paysans, ouvriers, gens de rien et de maison avaient levé le camp. Il n’y avait plus rien qu’un champ de friche, de la maison forte à la boucle de la Seine. La stratégie du prieur Anselme consistant à affamer les assiégés avait valu de manière égale pour les assiégeants ; et aussitôt que les « soldats de la relique » avaient manqué de biens et de nourriture, ils étaient partis.
L’évêque de Troyes considéra ce triomphe, qui ne lui donnait pas de joie.
– Ils n’auront pas mis longtemps à se lasser, murmura-t-il, alors que sa grande carcasse se déployait afin de jouir des premiers rayons.
Mais, au même moment, un coup de tonnerre monta de la fosse. Suivit un cri de guerre, qui semblait provenir d’un millier de gorges.
Alors Pierre d’Arcis s’appuya sur un mâchicoulis, se pencha au-dessus d’un créneau, et constata qu’à la place de la douve un flot humain, accolé contre les murailles, menaçait son château d’axiomes et de postulats. Il était seul maintenant, dépouillé des armes de la dialectique et de la théologie. Bientôt il ne resterait rien des principes qui avaient déterminé chaque étape de sa vie.
- Je suis nu, pensa-t-il.
Et il frissonna.
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- Allez-vous me laisser en paix ?
- La paix ; mais l'amour, ce n'est pas la paix, madame, c'est la guerre !
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