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Citations sur Les naufragés (41)

Il est une nécessité éthique fondamentale à ce que la société permette aux fous d'exister et de trouver protection et abri, sans contrepartie et sans espoir de devenir un jour autres que ce qu'ils sont. Il importe à la société d'accueillir décemment, humainement et respectueusement les fous qu'elle engendre (...) Il ne s'agit plus de donner pour faire changer l'autre mais uniquement de donner pour répondre à ses besoins propres.
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Non, décidément, je n'aime pas l'homme.
Dans ces conditions, me direz-vous, pourquoi le soigner ? Je répondrais que si l'humanité en général a tendance à m'insupporter, j'ai, en revanche, le plus souvent plaisir à la fréquentation de l'homme singulier, de l'individu, du sujet. Lui m'intéresse, car il est à la fois meilleur et pire qu'on ne peut le supposer.
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Plus je vieillis, plus la vie sous toutes ses formes me semble infiniment rare et précieuse. Je ne tue pas les insectes qui fréquentent mon logement. S'ils me dérangent, je les éconduis. J'ai honte de ne pas avoir (encore ?) le courage d'être végétarien.
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Clochard, exclus, nouveaux pauvres, marginaux, mendiants…Qui sont-ils ces êtres étranges aux visages ravagés ? Ces exilés qui nous côtoient, qui dérangent notre regard et suscitent nos fantasmes. Des fainéants ? Des réfractaires ? Ou des philosophes ? Révoltés, anarchistes, intellectuels parfois, faux mendiants souvent ? Les mythes ont la vie dure. On parle de choix, on cherche du côté de la volonté. On se construit une métaphysique du dynamisme et du découragement. Si bien qu’on en vient doucement – et c’était le but- à banaliser l’horreur, à annuler l’angoisse.
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C'est qu'au soleil noir de la mort, la science objectivante apparaît comme une chose bien petite et quelque peu dérisoire. « Un divertissement », disait Pascal. Dans ces cas-là, une façon surtout de se pencher, myope, au pieds des arbres pour ne pas percevoir la menace qui sourd de la forêt profonde. La rumeur des forces obscures et des monstres de la nuit. Et c'est en cela justement qu'ils se révèlent fascinants et précieux, ces clochards, zèbres inouïs, effarants professeurs du négatif. C'est en cela qu'ils ont, par-delà leurs silences, des choses à nous apprendre. C'est pour cela que je suis resté si longtemps à les regarder, à les humer, à les écouter. C'est pour cela qu'il est des soirs, maintenant que je les ai quittés, où ils me manquent un peu.
Ils ont, en effet, cette hautaine noblesse de ne plus faire de phrases. De ne plus croire – tout dans leurs comportements le montre – au progrès, aux lendemains chantants des efforts collectifs, à l'avenir de l'homme. De ne plus croire en rien d'autre, au fond, qu'au néant et à la mort. C'est là toute la religion qu'ils ont et ils n'en veulent pas d'autres. Sombre grandeur. Nous ne sommes pas si nombreux, nous les hommes, à pouvoir vivre sans espoir.
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Mais que faire si tout cela ne sert à rien ? Que faire si d'aucuns ne s'améliorent pas ? Que faire si certains soignés malgré tout, à travers tout, restent pareils à eux-même et lentement meurent sous nos yeux ? Et bien, au moins, aura-t-on réussi à alléger leurs souffrances en évitant de monnayer les soins que nous leur prodiguons, en les obligeant à se confronter à des obligations de normalisation qui les dépassent et qui les blessent (...) Et permettons au moins à ces fous partis trop loin de nous pour pouvoir revenir de trouver asile et paix, aux marges d'une société dont ils sont le pauvre négatif épuisé.
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Suffisamment intelligent et habile pour être épouvantablement dangereux, mais essentiellement dénué de maitrise pulsionnelle, l'homme me semble voué à un échec inéluctable.
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Ils vivent mal, ô combien. Ils traversent la vie en titubant, en claudiquant, à cloche-pied, à genoux, en rampant. Mais ils la traversent tout de même. Se suicidant très rarement, ils préfèrent rester là, pour rien, jour après jour, année après année, à contempler, hébétés et hilares, la postérité des asticots ; Vaisseaux fantômes et mystérieux. Personne à la barre. Grands voyageurs du vide, ils errent loin des pesantes réalités du monde. Funambules pitoyables. Mais glorieux, parce que sans retour.

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Cette dimension du regard renvoie elle-même à un thème classique du discours de la société vis-à-vis de la population de la rue : c'est celui du propre et du sale. Les SDF, déchets du corps social, en sont la souillure et en maculent l'espace. Face à ce fléau hybride véhiculant un composé d'angoisse sécuritaire et d'inconvenance esthétique, il importe de « nettoyer » l'espace, en déplaçant les SDF vers un ailleurs socialement, sinon géographiquement, lointain. Leur seule vue est importune. Il faut les soustraire au regard qui, dans un espace assaini, ne doit, in fine, ne plus rien rencontrer d'autre que lui-même dans une perspective sans tâches, c'est-à-dire vide, c'est-à-dire morte. On se rapproche dangereusement là de l'imaginaire sinistre de Nacht und Nebel. Cette nuit et ce brouillard, cet indifférencié dans lequel devaient définitivement se perdre les ennemis raciaux du Reich. Cette problématique constitue le pendant contre-transférentiel et scopique de la dimension anale de la grande désocialisation dont on explorait au précédent chapitre les dimensions. Les clochards souffrent de troubles liés à la forclusion anale et font naître en nous, qui les côtoyons, des angoisses correspondantes. A la souillure qu'ils mettent en scène, aux malaises olfactifs et visuels qu'ils induisent en nous, répond notre désir rédempteur de propreté.
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Ce sont les contradictions, les à-peu-près, les faiblesses, les malgré-tout, les néanmoins, les je-sais-que-je-ne-devrais-pas-mais, qui font toute l'humanité de la vie, sa médiocrité et sa grandeur.
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