Un pamphlet social qui arrive direct dans la face, un bourre-pif de phrases rythmées qui pique le nez, le sang nouveau est arrivé dénonce l'horreur de la rue entretenue par un système qui a besoin de ses clodos pour garantir sa productivité. Declerck est un maître dans sa discipline. Forme et fond forment un tout où la politique, la psychologie et la poésie se jouent de la bêtise humaine. On m'a raconté qu'à une question de journaliste lui demandant pourquoi il s'infligeait cette vie là, il avait répondu d'un laconique mais surpuissant "J'ai souffert." Cela résume assez bien le personnage et l'écrivain. Balancer la vérité de la façon la plus violente et la plus intelligente dans la face du monde était son sport favori.
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L'amour. L'âââmoûûûr. Ils n'ont que ça en tête, en langue, aux yeux, au fion. L'amour est à la fois la question et la solution. L'alpha et l'oméga. La réponse universelle. La guérison de tous les maux... Comme si l'amour ne portait pas sa part d'ombre, son ambivalence, sa haine cachée, sa destructivité dévorante... Comme s'il était autre qu'un affect. Comme si tout affect, de par son essentiellement labilité, n'était pas essentiellement suspect. Comme si, enfin, comme si surtout, la pensée n'existait pas.
Le christianisme, lèpre de l'Occident, corrompt de son souffle fétide, de ses doigts pourris, tout ce qu'il touche. La maladie, toute maladie, est sienne. C'est là, sa condition de possibilité, sa catégorie, sa jouissance. Son sexe, en somme. Le christianisme... Cette désolée gâteuse, cette vieille toute de deuil infini, cette navrante sorcière, qui ne mouille plus de lécher, et à quatre pattes, les ulcères de Job. Et ces ulcères justement lui sont sacrés. Ils ne doivent pas... Ils ne peuvent pas guérir. On a besoin d'eux... Ils sont la démonstration ultime de la vérité christique. La preuve par pus ! Pauvre Job, idiot de la famille. Mais idiot utile...
Contrairement à ce qu'on pourrait croire, en situation extrême, l'homme s'habitue très vite à l'atroce. Il est une heureuse facilité à supporter la vue du sang.
Le sang des autres, bien entendu...
La rue est un crime ignoble commis à chaque heure du jour et de la nuit contre les faibles et les innocents. Innocents de tout, sauf de leur malheur. Un crime commis dans l'indifférence générale. Un crime sacrificiel et barbare répété pour l'édification de tous. Honte à nous ! Honte à la France ! Honte à cette grande nation qui sut, jadis, pour une certaine idée de l'homme, soulever le monde. Il faut que cela cesse. Il faut appeler le crime par son nom. Il faut, par la loi, rendre illégale la mise à la rue.
Asile ! Asile, au nom des hommes !
Entertainment, disent les Américains. Le terme recouvre à la fois les sens de « divertissement » et de « spectacle ». il vient du français « entretenir ». Mais que faut-il donc à ce point fiévreusement entretenir ? Soutenir ? Cajoler ? L’attention, sans nul doute. C’est l’attention qu’il faut capter pour mieux et à tout prix la détourner d’autre chose. De quoi ? Pascal, évidemment, le savait bien, pour qui tout divertissement était détournement de l’idée, de l’évidence incontournable de la mort. De ce divertissement métaphysique, la télévision a élargi la recette : définitivement, l’objectif stratégique sera d’abolir la possibilité même de toute pensée en général. Pensée de la mort. Du temps qui passe. Pensée de la vacuité. De la stupidité foncière de l’existence. De l’aliénation. Pensée de la liberté, surtout. Surtout, de la liberté… De toute pensée quelle qu’elle soit. Et cela - et là résident le vrai tour de force, l’ultime raffinement de la ruse - même et surtout lorsqu’on y fait semblant de parler de choses sérieuses. (pages 28-29)
[Entretien #3] Dans son dernier roman « Sniper en Arizona » Patrick Declerck nous raconte le rapport aux armes d'une Amérique conservatrice. L'auteur se penche également sur le cas français et nous révèle une règlementation et des chiffres alarmants, qui interrogent.
« Sniper en Arizona » disponible en librairie
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