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Critique de michfred


La nature humaine doit être cruelle: c'est toujours drôle, le malheur des autres.
Quand il est raconté avec humour.
Quand il est présenté avec talent.
Quand il est disséqué avec intelligence.
Et  quand il renvoie au vôtre, là, c'est encore meilleur!

J'ai ri! J'ai tellement ri! Rire de son malheur, ça fait avancer : on se regarde avec un oeil décapé, ironique,  on prend du champ, on s'émancipe, on se libère !

J'ai donc empathiquement souffert avec Adélaïde,  mais j'ai aussi souri de ses affres et dilemmes, ri de ses déboires et mésaventures. 

Pauvre Adélaïde Berthel, quadra-presque-quinqua qui a largué son compagnon avec qui elle commençait à trouver le temps long et les habitudes pesantes,  et qui se trouve brusquement devant le temps infiniment long et la monotonie terrifiante de la solitude...à un âge où retrouver chaussure à son pied n'est plus aussi facile ni délicieusement pimenté qu'au temps de la séduction triomphante des femmes, finalement bien court,  à l'en croire...

Pauvre Adélaïde Berthel qui n'a que 46 ans, quand même,  faut pas pousser, habite dans le Paris bobo et branché,  travaille dans l'édition, croule sous les bonnes -copines -inséparables- qui-se-disent-tout-et- ne se-laissent-jamais-tomber- !

Elles sont cinq, habitent dans un mouchoir de poche, se retrouvent aux mêmes fêtes, avec rails de coke sur le bord du lavabo ( plusieurs scènes, très cocasses), fréquentent les mêmes magasins bio ( une scène hilarante), vont aux mêmes vernissages. Fréquentent les mêmes bistrots, assistent aux mêmes représentations et projections..Seules les vacances les séparent de façon saisonnière.  

Bref, il y  a plus drastique et plus radical comme solitude, c'est moi qui vous le dis!. ..

On se délecte à  lire ce discours  de la solitude volontaire,  ce journal d'une quadra des villes sans l'ombre d'un quad-rat des champs à  l'horizon, à éprouver ce  vertige de l'amour ... manquant, à vivre cette chasse à  l'homme idéal-  ni pervers, ni narcissique, ni éjaculateur précoce, ni goujat, ni monomaniaque, ni obsédé sexuel-   homme idéal que dans ses rêves les plus fous Adélaïde a appelé Vladimir,( sans doute parce qu'Estragon ça faisait un peu culinaire), Vladimir qu'elle ATTEND comme ce dernier attendait Godot...

J'ajoute que la plume de Chloé Delaume est fine, imprévisible, virtuose. Rien en elle qui pèse ou qui pose,  dirait Verlaine.

La 3eme personne, la construction avec les variantes amusantes de ses conclusions de fin de chapitre, le rituel bobo parisien joyeusement égratigné ainsi que l'univers impitoyable des maisons d'éditions  à l'heure des prix littéraires ( une mise en abyme savoureuse, Chloé Delaume connaît bien ce microcosme, elle y travaille . .et le prix qui vient de la couronner n'est pas un des moins recherchés...), tout contribue à  créer les conditions idéales d'un recul ironique et d'une aimable satire.

D'une lecture plaisante.

 Mais pas que...Le livre est plus profond,, plus percutant, plus grave qu'il n'en a l'air.

Et si, à la façon d'un Perec, d'un Butor,  l'auteure s'amuse à imaginer des fins possibles, on sent bien vers laquelle elle penche, et ce qui émerge en définitive de cette quête harassante du Graal masculin: une sororité indéfectible, l'amitié,   seul îlot de solidité et de vraie tendresse dans le monde de brutes des relations amoureuses..

 Ce n'est pas moi qui la contredirai...
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