Salvatore Falnerra

Certes, il n’avait pas fallu moins que cette puissante influence féminine pour transformer ainsi le bohème, ou pour parler plus exactement le rastaquouère, en un homme du monde fort passable. C’était là encore une preuve de l’habileté prestigieuse d’Angelica et du pouvoir qu’elle continuait d’exercer sur cet homme plus que jamais épris d’elle.

Oh ! j’arriverai bien à l’apprivoiser !… Elle est d’une beauté extraordinaire, Brigida ! Quels yeux !… Et cette admirable chevelure !… Il n’est pas jusqu’à son air farouche qui ne lui donne plus de charme encore !

Elle était visiblement allée au-delà de ses forces… Mais elle restait calme et stoïque, avec cet air d’indifférence qu’elle avait toujours opposé aux hypocrites méchancetés d’Angelica et aux insolences de la servante.

Il lui fallait bien reconnaître que la beauté saisissante, le charme d’Ourida, où se mêlaient si délicatement la grâce candide, un peu sauvage, de l’enfant et la séduction de la femme, avaient fait sur lui une profonde impression.

L’homme est le jouet de la femme.

Les hommes sont des êtres faibles, auxquels il serait peut-être injuste d’en vouloir trop profondément… Oui, des êtres faibles et lâches.

Les difficultés prévues ne pouvaient qu’exciter une nature telle que celle-là, qui se plaisait aux intrigues, aux travaux de sape, à toutes les hypocrisies. Et le résultat souhaité valait bien, d’ailleurs, toutes les peines que l’on prendrait pour l’atteindre !

Là, elle aurait cependant trouvé le succès… la gloire peut-être… mais au prix de quels périls ! Mieux vaut cent fois pour elle une existence plus humble. Mais un être comme elle, pourvu de tels dons physiques et intellectuels, ne peut nulle part passer inaperçu… hélas !

Cette jeune fille si belle, qui cachait son visage sous un voile, il lui prenait la fantaisie de la voir… Elle était déjà une délicieuse créature, tout enfant… Il ne lui était donc pas difficile d’imaginer ce qu’elle avait pu devenir. Il suffisait d’ailleurs de ses merveilleux yeux noirs, si étrangement expressifs, pour faire d’elle un être de séduction…

Le prince est fort difficile et de caractère très fantasque, assure-t-on. Un jour, on paraît lui plaire… le lendemain, il ne vous regarde même pas.