Victoire vivait sur un tout autre rythme. Elle ne possédait ni télévision ni téléphone portable et ne voyait pas l'intérêt de se connecter aux réseaux sociaux. Elle aimait se promener à pied, en prenant son temps.
Elle avait vu ces diverses contraintes et obligations devenir de plus en plus prégnantes. Elle sentait plus que quiconque la pression démesurée qui était mise sur les épaules des hommes. Elle sentait les cordes du monde vibrer de plus en plus fort, secouer les points d'attache, faisant trembler les structures mêmes de l'Univers. Il lui paraissait évident que l'être humain s'était lancé dans une course folle, éperdue, contre sa propre nature. Elle était convaincue qu'il n'en résulterait qu'un fracas épouvantable, une catastrophe démesurée, et son extinction finale.
— Ah, oui, j'allais oublier ! Votre diplôme ! C'est un certificat que vous avez acheté sur Internet ! Il a autant de valeur que si j'imprimais une photocopie d'Harvard sur du papier chiotte au nom du docteur Maboul ! Vous êtes un charlatan !
Parents abusifs, pédophiles, pervers, manipulateurs, maltraitants, malveillants : les noms que les adultes utilisaient pour désigner les croque-mitaines, les monstres. Ces créatures qui surgissaient de sous les lits et du fond des placards, une fois la nuit tombée, ceux contre lesquels il fallait se protéger à l'aide de veilleuses et de doudous. Mais que se passait-il lorsque le monstre était celui-là même qui allumait la lumière, qui accrochait les attrape-rêves et qui était censé être le gardien ?