Le mystère Jérôme Bosch

Michael Keie tambourinait nerveusement des doigts sur le rebord de la fenêtre. Depuis plus d'une demi-heure déjà, il attendait avec impatience son collègue Antonio de Nebrija, qui tenait a lui annoncer une découverte sensationnelle. Il avait eu plus d'une occasion, durant ces deux dernières semaines, de réaliser qu'on avait a Madrid une perception du temps toute particulière.

Chaque pierre, chaque branche de ce tableau est dotée d’une signification. Le moindre élément de cette composition est porteur d’un savoir secret. Aux yeux du profane, le triptyque peut paraître diabolique. Seul l’initié peut le comprendre.

Chapitre 52

Petronius traversa ensuite un espace rempli de caisses dans lesquelles son maître avait rassemblé une immense collection d’insectes plus insolites les uns que les autres. Des centaines de cadavres étaient épinglés sur des planches d’entomologie. Oris aperçut toutes sortes de coléoptères géants dont on avait déployé les ailes. Des libellules étaient pendues aux murs comme des mobiles.
Mais Bosch ne se contentait pas d’étudier la nature, il s’adonnait aussi à des expériences pour créer les êtres fantastiques qui peuplaient ses peintures. Petronius vit ainsi que l’artiste avait greffé sur un corps de grillon la tête d’un coléoptère et les pattes d’une sauterelle. D’autres hybrides prouvaient que son maître inventait ici de nouvelles créatures, qu’il intégrait ensuite dans ses tableaux.

Chapitre 42

Peu à peu, ses yeux s’accoutumèrent à la pénombre. Comme rien ne bougeait, il grimpa lentement l’escalier de bois, très raide, jusqu’au premier étage. Soudain, entre deux marches, il croisa le regard d’un animal. Caché dans une niche murale, celui-ci avait un bec crochu et de gros yeux brillants, entourés de disques blancs qui lui donnaient un visage en forme de cœur. Un oiseau empaillé ! Remis de sa frayeur, Petronius passa la main à travers les échelons et caressa le plumage poussiéreux. La chouette oscilla sur son socle. Poussant un soupir de soulagement, le compagnon regarda autour de lui. Sur les murs couraient des étagères remplies d’objets insolites : des bouteilles renfermant des liquides de différentes couleurs, des pierres sur lesquelles on pouvait reconnaître des empreintes de toutes sortes, des cadavres d’animaux momifiés, des poissons séchés et des bocaux remplis d’alcool dans lesquels flottaient des êtres difformes à l’aspect monstrueux. Petronius comprit alors qu’il venait de pénétrer dans le cabinet de curiosités de Bosch. Presque tous les peintres de renom possédaient une pièce de ce genre dans laquelle ils puisaient leur inspiration en étudiant les formes et les couleurs des diverses créatures produites par la nature. Breu et Dürer disposaient d’un cabinet similaire, mais celui-ci avait quelque chose d’inquiétant, qui donnait la chair de poule. Petronius n’avait pas vu de telles horreurs chez ses anciens maîtres.

Chapitre 42

Lorsque j’étais encore bibliothécaire de mon monastère à Salamanque, un membre de la Congrégation de la doctrine de la foi m’a rendu visite et m’a chargé d’une mission : examiner les archives de la Sainte Inquisition entre le seizième et le dix-neuvième siècle en vue d’une publication.

Chapitre 37

La chouette symbolisait les arcanes de l’occultisme. Van Almaengien lui avait donné un aperçu de l’invisible, mais n’avait pas levé entièrement le voile du mystère. 

Chapitre 22

Le jeune peintre songea à sa propre expérience. La fontaine de jouvence lui était apparue comme un sanctuaire donnant naissance aux quatre fleuves du jardin d’Éden. À présent, il comprenait que l’œil dont parlait Van Almaengien était une sorte de tabernacle où était dissimulé le secret du tableau.

Chapitre 22

« C’est en s’abandonnant à la contemplation de la fontaine de jouvence qu’on découvre toute la richesse de cette image symbolique. On ne comprend pas les choses au sens traditionnel du terme, on les assimile par le regard. C’est une expérience inédite. »

Chapitre 22

« Prenez la fontaine de jouvence. N’importe quel enfant peut remarquer qu’elle constitue le centre du volet. Le spectateur ne saisit-il pas immédiatement que cette sphère à la base de la fontaine représente le cœur du paradis ? Ne reconnaît-on pas un œil et une pupille, à l’intérieur de laquelle niche une chouette, un oiseau symbolisant la raison et la sagesse ? Si l’âme veut apprendre à se connaître, elle doit regarder au fond d’elle-même − et où doit-elle regarder sinon dans  son propre œil ? Voilà des messages simples avec des images simples. »

Chapitre 22

Le jeune peintre avait descendu l’escalier et s’était recouché. Mais le sommeil n’était pas venu, les fortes impressions de cette nuit mouvementée l’avaient maintenu éveillé jusqu’à l’aube. Ce qu’il avait vu gargouillait en lui comme un repas mal digéré. Le tableau mystérieux était rempli de symboles occultes. Le maître l’avait sévèrement tancé lorsqu’il lui avait montré son Ève jaillie de la tête du Seigneur, en arguant qu’une telle ébauche pouvait attirer les foudres de l’Inquisition. Mais ce n’était rien en comparaison de ce que peignait Bosch. Si les dominicains découvraient son triptyque, ils l’enverraient droit au bûcher ! 

Chapitre 18