Moi et Loretta on en a largement soupé. La différence, c'était qu'on n'a jamais parlé comme ces deux-là. De nous de deux ensemble. Même pas à l'époque où on tait bien ensemble. On restait étendus à écouter le monde extérieur, les forts en gueule, les voitures, les pigeons. A l'époque je n'avais pas le quart d'une idée de ce qu'elle pensait, mais maintenant je sais quoi griffonner dans ces bulles de pensée vide. Partir. Partir.
Nous passions les journées au centre commercial ou sur le parking à jouer au base-ball, mais c'étaient les nuits que nous attendions. La chaleur dans les appartements comme une chose lourde entrée pour y mourir.
Il m'a cogné - j'aurais répliqué si Papi n'était pas entré dans la salle de séjour, une serviette nouée autour de la taille, l'air beaucoup plus petit que quand il était habillé. Il avait quelques touffes de poils autour des tétons et un air renfrogné, la bouche serrée comme s'il s'était brûlé la langue ou je ne sais quoi.
Mami avait chouette allure ce jour-là. Les Etats-Unis avaient fini par la rembourrer un peu ; ce n'était plus la même flaca qui était arrivée trois ans plus tôt. Elle avait adopté les cheveux courts et portait toute une quincaillerie de bijoux en toc qui, sur elle, n'avaient pas trop l'air merdique. Elle sentait son odeur, celle du vent à travers les arbres.