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Critique de carolectrice


Lu pour la première fois il y a vingt ans (lecture de lycée), je viens de le relire après avoir vu le film de Rivette (version restaurée inédite), sorti en 1966 et censuré alors que le Premier ministre était Malraux, plus de 2 siècles après le scandale lié au livre ! le film est d'ailleurs rigoureusement identique (mot pour mot, pour ce qui est des dialogues), sauf la toute fin
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Echouée dans un bordel après avoir fui son deuxième couvent, elle bascule par la fenêtre et meurt. Dans le livre, le récit se termine alors qu'elle est blanchisseuse et rêve d'une vie meilleure.
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Le livre se présente sous forme d'une récit-mémoires que la religieuse Marie-Suzanne Simonin adresse à un dénommé "marquis de Croismare". On sait aujourd'hui que Diderot s'inspira d'un authentique fait divers, l'histoire de Marguerite Delamarre, bien que celle-ci fut renvoyée dans son 1er couvent, condamnée à y mourir, contrairement à l'héroïne du livre qui passera entre les mains perverses d'une 2e supérieure avant d'avoir l'opportunité de s'échapper.
Une très jeune fille, très croyante mais n'ayant aucun goût pour la vie religieuse, se voit obliger par sa famille de prendre le voile pour éviter le scandale car elle a plu à un prétendant de sa soeur. Elle fait son noviciat pendant 2 ans. A son retour, elle prononce ses voeux car elle apprend qu'elle n'est pas la fille de son père et sa mère refuse qu'elle déshérite ses soeurs.
C'est étrange mais ma 1re lecture m'avait beaucoup plus choquée que la 2e (et que le film, carrément édulcoré bien que fidèle mot pour mot). J'avais été choquée par les bris de verre qui ensanglantent ses pieds nus... (absent du film). Soeur Suzanne n'a de conscience de son corps que via la douleur...
La vie de cette jeune fille est un martyre total, elle subira mille horreurs (mise au cachot, jeunes forcés, mortifications, piqûres d'aiguille, bris de verre qui visent à lui blesser les pieds, pas de meuble dans sa chambre, pas de livre ni de courrier ni de visite autorisés) suite à sa rebellion contre l'instauration de nouvelles règles austères de la nouvelle supérieure qui succède à sa bien-aimée première supérieure. Donc là clairement, Diderot dénonce la maltraitance dans les couvents, le sort des jeunes filles sans dot et sans défense, la stupidité et la cruauté des soeurs qui évoluent en vase clos et en dehors de la société. Les figures masculines apparaissent bonnes dans l'ensemble.
Grâce à un avocat dévoué à qui elle a fait parvenir des lettres, elle sera transférée ailleurs. Dans son 2e couvent, elle sera l'objet des avances de la mère supérieure, homosexuelle et figure instable. Cette dernière aura plusieurs orgasmes en sa présence, mais Suzanne n'y entendant rien et n'y voyant qu'innocence, elle sera poussée à fuir aussi ce couvent aux allures de bordel saphique par son directeur de conscience.
Enlevée par un jeune bénédictin qui veut la violer, elle le fuira et se retrouvera blanchisseuse, rêvant d'une vie meilleure, terrorisée d'être reprise par le couvent.
Ce que j'en retiens, c'est qu'aucun crachat n'atteint la blanche colombe, même attaquée elle ne songe qu'à se défendre, non à accuser ; subissant des attouchements, elle songe à l'amitié entre femmes unies dans leur amour de Dieu... Rien ne corrompra son âme et son corps purs. Tout cela est difficilement concevable aujourd'hui, que ce soit son innocence à elle ou la cruauté gratuite des soeurs et mère(s) ; pourtant Diderot nous livre cet écrit comme un témoignage glaçant sur les dérives d'une religion menée par les femmes pour les femmes.
PS : j'écris cette critique pendant le visionnage du film de Nicloux : plus court que le premier, certains dialogues sont identiques au livre et au film de Rivette. La prestation de la douce Pauline Etienne est impeccable (qu'on retrouve dans le Bureau des légendes, aux côtés de Gilles Cohen également, son père dans le film, son supérieur dans la série !). La fin est très étrange et inédite : après sa fuite nocturne, elle se réveille dans une riche demeure habitée par un riche marquis qui ne songe nullement à la violer... J'ai trouvé ce remake dénué d'intérêt.
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