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Critique de micky05


Dans l'ENTRETIEN ENTRE D'ALEMBERT ET DIDEROT nous avions évoqué la relation entre D Alembert et Mademoiselle de Lespinasse. Voici dans cet entretien les deux amants, face à face, dans des conditions de vie qu'ils ont connues et partagées. Diderot utilise un personnage réel pour se placer. Théophile de Bordeu (1722-1776) qui fut l'un des plus célèbres médecins du XVIII°. Mais personne ne peut ignorer que ce médecin est le Mentor de Diderot. Les propos qu'il tient sont évidemment ceux de l'auteur et il a peut-être été influencé par la science de ce savant.
En lisant le début de ce « dialogue » à trois, Mlle de Lespinasse servant la soupe à Bordeu, j'ai rapidement remarqué qu'en inversant les syllabe du nom Bordeu, à la manière du verlan avec ses retournements et ses élisions, ce que dit Bordeu devient ce que dit deu-ro(b) ; enfin ce que Dit-derot. Bien voici Diderot mis en place et ce rêve peut-être relaté. [Cette interprétation n'engage que moi, c'est à dire peu, bien peu… au regard de Diderot.]
D'Alembert, rentré fort tard a une nuit très agitée. Mademoiselle de Lespinasse passe la nuit à son chevet et note soigneusement (avec une rigueur toute scientifique) les propos du mathématicien. Elle appelle un médecin, le Docteur Bordeu, davantage par curiosité afin d'élucider des propos que pour les besoins de l'histoire elle juge incohérents, que pour prendre soin de l'homme alité. Bien sûr les propos tenus par D Alembert sont ceux de l'encyclopédiste et Mademoiselle de Lespinasse joue les candides.
Voici l'occasion pour l'auteur de « La lettre aux aveugles » de nous faire part d'audacieuses considérations sur la biologie, l'évolution, en particulier le Lamarckisme et même la génétique, pas loin d'un siècle avant les travaux de Gregor Mendel. On y trouve même certaine curiosité concernant l'eugénisme. Mais on assiste aussi à un véritable cours d'éducation sexuelle sur l'anatomie et le développement ontogénique de l'embryon et du foetus. On peut comprendre que la véritable Mademoiselle de Lespinasse fut effrayée par les propos que Diderot lui faisait tenir et entendre, considérant la morale officielle de l'époque, et fit interdire l'ensemble des trois oeuvres, le Rêve, L'Entretien et sa suite.
C'est un véritable foisonnement d'idées novatrices que nous offre Diderot même si celles-ci étaient déjà dans l'air du temps, mais pas souvent sur le papier. Mademoiselle de Lespinasse relate à Bordeu les propos de d'Alembert qui commence par des considérations sur l'origine animale de l'homme. Mieux il évoque la continuité entre l'inerte et le vivant. Avec l'aide de Mademoiselle de Lespinasse il fait apparaître que le « Je » n'est pas dû à l'existence d'une force animiste, mais d'une succession de sensations de nos organes et tissus, avec pour centre de commande le cerveau. Sur la matière on est frappé dans certains passages où Diderot considère les atomes par le fait qu'il dit à peu près ce que Carl Sagan affirmera plus tard « Ce qu'un homme peut faire, un atome peut le faire ». Et comme lui il envisage un lien entre tous les éléments matériels de l'univers pour en arriver à un seul grand individu, un Être pour lequel chaque chose en vient à être une partie du tout. Conscients de tisser une toile phénoménologique qui emprisonne tous les hommes et toutes les pensées, il fait imaginer par Mademoiselle de Lespinasse une énorme araignée et un réseau de fils tous en relation entre eux. Il y a là quelque chose de Panthéiste dans ce foisonnement d'idées stupéfiantes de modernité. Nous nous sentons chez nous avec cet Encyclopédiste de haute volée.
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