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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
En écrivant l'histoire de Jean-Baptiste Pussin, Marie Didier a choisi d'avoir des pieds plutôt que des ailes. Cela explique la faible épaisseur du livre mais aussi sa prodigieuse profondeur car tout ce qui y est dit a matière de réalité.

Jean-Baptiste Pussin, pour Marie Didier, est d'abord une rencontre et un miroir. Une rencontre à deux cents ans d'intervalle, au hasard d'un livre, d'une ligne, d'un mot. Jean-Baptiste Pussin fait irruption dans la vie de Marie Didier et ne la lâche pas pendant deux. de cette obsession découle ce livre, sorte d'histoire à peine fictionnelle et fortement factuelle de la genèse de la psychiatrie. Jean-Baptiste Pussin est aussi un miroir déformant, culpabilisant pour Marie Didier : face à lui qui s'occupe avec tant d'intelligence des fous et des aliénés, elle, pourtant médecin, peine à trouver le temps et l'attention pour sa mère, puissance d'autrefois dont le monde s'est rapetissé brutalement au passage de la vieillesse.
Pussin arrive, jeune homme, à Paris pour y trouver du travail. Mais, écrouelleux, il est d'abord traité puis déclaré incurable, envoyé à l'hôpital de Bicêtre. Là s'entassent les malades, les pauvres, les fous (on dit : les insensés), les bandits, les criminels, même des enfants que la faim ou l'innocence ont poussé dans la rue. Les conditions de détention - car on ne sort pas de Bicêtre si facilement que cela - sont effroyables pour tout le monde, et plus encore pour les prisonniers de droit commun. Pêle-mêle, ceux de Bicêtre sont confrontés au froid et à la chaleur extrêmes, à l'humidité, à la faim, à la saleté, au malaise permanent, à la violence brute des gardiens, à celle, plus mesquine, des personnels qu'on dirait aujourd'hui soignants.

Par sa carrure, par son autorité, Pussin accède bientôt aux responsabilités. On le nomme gouverneur De l'Emploi des Fous. Il y expérimente le traitement par le bon sens et par l'humanité. Ne plus considérer ces hommes et ces femmes comme des objets à qui l'on dénie toute sensibilité. Pussin bannit les mauvais traitements, améliore la nourriture, prend le temps de parler et, surtout, d'écouter. Être présent. Regarder dans les yeux. Poser une main compatissante sur l'épaule qui, quelques instants auparavant, tressaillait nerveusement. La Révolution apporte son lot de violences, insoutenables parfois. Pour Pussin, l'histoire se chargera de son oubli : on attribue aux uns ou aux autres non pas ses découvertes, mais ses actions les plus significatives et les plus fortes, comme la fin de l'enchaînement des prisonniers.

La force de ce livre réside dans l'étrange proximité qui lie l'auteur, le lecteur et le personnage principal, Jean-Baptise Pussin. En utilisant la deuxième personne du singulier et en écrivant au présent de l'indicatif, Marie Didier parle littéralement à Jean-Baptiste Pussin, le traite comme son égal : non pas en tant que médecin (on peut considérer Pussin comme un précurseur de la psychiatrie moderne) mais en tant qu'êtres humains. C'est là la deuxième force de ce livre : sa grande humanité.
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" A ceux qui n'ont pas la parole"

... aux oubliés de l'histoire et aux autres...

La réhabilitation de JP PUSSIN, disparu de l'histoire des hôpitaux et de la psychiatrie. Son idée révolutionnaire? : au moment de la révolution française, laisser les fous se promener librement dans l'hôpital et peut-être aussi concevoir la camisole...

De PUSSIN il ne reste rien, que des lignes d'écritures sur les registres poussiéreux de Bicêtre.
D'ailleurs,c'est une note en bas de page qui détourne Marie DIDIER d'une recherche sur PINEL (qui a pris la place de PUSSIN).
Au-delà de l'aspect littéraire, ce livre est un formidable travail de recherche. L'auteur prend place dans le récit, puisqu'il replace ses recherches et son travail d'écriture dans son quotidien. Elle s'adresse directement à PUSSIN dans un dialogue tutoyé et par cet artifice le sort du cimetière de l'oubli.
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En lisant Liberté pour les insensés, j'ai découvert le personnage de Jean-Baptiste Pussin, présenté comme le premier infirmier en psychiatrie. J'ai eu envie d'en apprendre plus sur lui et je me suis donc tournée vers le roman de Marie Didier, disponible à ma bibliothèque.

Jean-Baptiste Pussin (1745-1811) est issu d'une famille pauvre du Jura. Malade des écrouelles, il entre à Bicêtre en 1771. Considéré comme incurable, il y reste dans la section des "bons pauvres". A cette époque, Bicêtre est en effet un hospice : un endroit qui est à la fois un hôpital, un asile psychiatrique, une maison de correction pour enfants délinquants, une maison de retraite. le point commun entre les pensionnaires est qu'ils sont pauvres et généralement maltraités. Remarqué pour son intelligence, Jean-Baptiste Pussin va être employé dans l'asile. En 1785 il est nommé "gouverneur des fous".

Les méthodes de Jean-Baptiste Pussin rompent avec les traitements brutaux de l'époque. Il considère les fous comme des êtres humains et des malades. Il prend des notes sur les pathologies et ce qui les améliore. Petit à petit il obtient des ressources supplémentaires et se débarrasse du personnel corrompu. Nommé à Bicêtre en 1793, Philippe Pinel soutient et accompagne son action. Ensemble ils vont décider de libérer les malades agités de leurs chaînes.

Mon commentaire sur ce roman passera par sa comparaison avec celui de François Lelord. Dans sa forme, l'ouvrage de Marie Didier est plus romanesque puisqu'elle s'adresse à son personnage et brode ouvertement quand elle manque d'informations historiques : "De cette partie de ta vie avant les entrées dans les hospices, je ne sais rien. Ton pays, la Franche-Comté, vient d'être conquis par la France. Les impôts sur le cuir se multiplient, éreintant les tanneurs. le marasme grandit. Tu quittes Lons-le-Saunier pour monter vers Paris chercher à manger. La tumeur au cou est déjà là, en chapelet. Tu y passes la main souvent sans même t'en rendre compte. Tu avances sur les routes. Ta stature est puissante, tes muscles jeunes. Tu ne souris jamais, tu dors dans les fossés, tu fais parfois la fenaison, la cueillette des fruits".

Cependant le contenu amène beaucoup plus d'informations historiques car elle a fait un vrai travail de recherche d'archives concernant ce personnage méconnu. La comparaison fait émerger les insuffisances historiques du roman de François Lelord. Chez Marie Didier j'apprends même des choses sur Philippe Pinel. le contexte historique est aussi bien présenté. Je découvre ainsi que les massacreurs de septembre 1792 ont investi Bicêtre et y ont assassiné 166 pensionnaires dont 33 enfants. C'est donc une lecture fort intéressante sur les débuts de la psychiatrie en France.
Lien : http://monbiblioblog.revolub..
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Un genre que je lis très peu, mais je ne regrette pas de m'être penchée sur cette lecture qui m'a beaucoup appris sur Jean-Baptiste Pussin et sur les origines du métier d'infirmier psychiatrique. Une biographique courte, mais très intéressante. Je recommande !
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Jean-Baptiste Pussin a été une sorte de surveillant-chef à Bicêtre pendant la Révolution. Y étaient réunis des prisonniers (notamment politiques), des aliénés, des malades, des pauvres, unanimement réunis sous l'appellation de « fous », et tout ce qu'on voulait faire passer pour tel, dans des conditions que même l'imagination a du mal à concevoir.

C'est un homme qui a fui la misère de sa famille en Franche-Comté. Scrofuleux, il s'est retrouvé « hospitalisé » à Bicêtre, où son intelligente humanité est remarquée, et jugée possiblement utile. Il se retrouve ainsi « promu » à ce poste. Il y développe une empathie pour ces souffrants fort peu ordinaire déjà à l'époque, qui nourrit une approche intuitivement curatrice. Les mots « soin » et « protection » ont pour lui leur vrai sens. Il fait interdire les mauvais traitements, et par une simple attention humaine, et une perspicacité « psychothérapeutique », guérit des internés qui n'attendaient qu'un peu de dignité pour s'en sortir.

Il finit par faire supprimer les fers à Bicêtre, exploit longtemps attribué à Pinel, médecin-chef du lieu, dont moulte rues portent le nom, aujourd'hui encore, et dont Marie Didier ébauche un portrait humaniste, qui justifie pleinement son titre de « père de la psychiatrie ».

Ceux et celles qui s'intéressent à la psychiatrie, ceux et celles qui s'intéressent à l'histoire, surtout quand elle est revisitée et remise sur les bon rails, ceux et celles qui s'intéressent tout simplement à l'humain qui est en chacun de nous, et peut nous donner un peu d'espoir, ne manqueront pas d'être hantés par ce récit dérangeant, où voisinent l'inhumanité ordinaire et l'humanité singulière de cet homme qui sut infiniment toucher Marie Didier.
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