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Critique de Antyryia



Ce nouveau roman de François-Xavier Dillard s'est fait attendre puisque Réveille-toi ! remonte à deux ans désormais.
Et pour être honnête, le titre ne m'inspirait pas. Prendre un enfant par la main, quand on s'attend à "Le jour où j'ai tué ma mère", c'est un peu lisse.
A Lens, il y a un an et demi, l'auteur m'avait parlé avec enthousiasme de son futur livre au titre alléchant, qui serait très différent des précédents. Mais j'ai appris récemment que le projet avait été, si ce n'est abandonné, du moins mis entre parenthèses.
Ce qui explique probablement ce délai inhabituel entre deux parutions.
Prendre un enfant par la main a failli s'appeler "Sombre avec moi". Un autre joli titre bien noir comme je les aime.
" - Je ne peux pas te laisser sombrer, jamais ... "
Et après bien des dates de parution reportées, des changements d'intitulés, est paru le premier octobre cette nouveauté tant attendue, qui finalement n'aurait pas pu avoir de titre plus adapté que la chanson d'Yves Duteuil, pour bien des raisons que vous découvrirez.
"Les parents, eux, ils vous aiment par devoir. Ils vous prennent la main et parfois ils la serrent trop fort."
"On ne peut pas passer sa vie à tenir la main de ses enfants. C'est comme ça."

Comme dans les précédents romans de l'auteur, le thème de la famille et de la relation entre les parents et les enfants est au centre de l'intrigue.
Avec tout ce qu'elle peut comporter de beau et de sincère, avec toute l'ambiguïté, l'inquiétude et le désespoir inhérents à l'enfance et à la parentalité.

Le roman commence d'ailleurs avec de faux airs d'Amélie Antoine et de son superbe roman Sans Elle. Si vous avez eu le privilège de le lire, vous savez qu'il raconte la disparition d'une soeur jumelle, Jessica, et que la mère en particulier, noyée dans le chagrin de l'incertitude, en vient même à oublier qu'elle a une seconde fille, bien présente et bien en vie. Et le roman nous raconte les espoirs, les souffrances, la lente reconstruction de cette famille ravagée, chacun réagissant différemment.
Prendre un enfant par la main commence de la même façon : Par la disparition de Clémentine Cygnac. Une jeune fille qui disparaît en pleine mer alors que Marc, son père, avait insisté pour prendre la route malgré les signes annonciateurs de tempête. Aucune chance de la retrouver en vie, ni même de retrouver son corps.
Malgré la présence d'un petit frère ( Gaspard ) et d'une nouvelle petite fille ( Louise ), le couple ne se remettra jamais de cette perte. La disparue aura toujours davantage d'importance que leur deux autres enfants.
"Je n'ai plus de maman depuis que Clémentine est morte."
Marc va multiplier les relations extra-conjugales et se mettre à boire, à jouer de façon invétérée, habité par un désir de mort, comme pour échapper à sa culpabilité.
Sarah va trouver une alliée à qui se confier, une voisine de l'appartement parisien dans lequel ils ont emménagé. Mais la souffrance, des années plus tard, est toujours aussi présente.
"La douleur et la tristesse étaient encore là, évidemment, c'étaient des compagnes qui ne les quitteraient jamais."

La résilience viendra au travers des nouvelles voisines, Hélène et Leila, et surtout de la fille d'Hélène : Gabrielle.
Eh oui, vous avez bien lu, elle a deux mamans. Et François-Xavier Dillard ne se gêne pas pour tordre le cou à toutes les idées reçues sur les parents homosexuels.
"Enfin, des parents... Si tant est qu'un couple de femmes puisse ressembler de près ou de loin à de vrais parents." Ironise-t-il.
Qui non seulement présente de nombreuses similitudes physiques avec une Clémentine qui aurait eu quelques années de plus, mais qui en plus est née exactement le même jour.
Alors comment ne pas y voir un signe ? Comment ne pas considérer cette jeune adolescente comme leur fille disparue ?
"Perdre un enfant, ça doit être le truc le pire du monde, en vrai." se laisse aller à penser elle-même Gabrielle qui est consciente du rôle salvateur qu'elle pourrait jouer.
"Elle adore cette gamine, la considère comme sa fille."

Au coeur du roman c'est donc le thème du transfert d'affection qui est abordé.
Parce que, si vous êtes déjà familier de l'auteur, vous vous doutez bien que considérer comme sa propre fille une adolescente qui n'est pas la notre peut porter à certaines... confusions.

Mais j'ai trouvé ce transfert trop rapide justement, il aurait pu y avoir quelques chapitres supplémentaires pour montrer comment Gabrielle le vit de son côté, progressivement, au point de laisser jouer un véritable rôle à Sarah dans sa vie.
J'ai adoré la façon dont elle s'exprime dans les chapitres dont elle est la narratrice, avec son point de vue et son langage de jeune lycéenne, mais à nouveau j'ai eu cette impression que sa métamorphose, sa chute, allaient trop rapidement et qu'il manquait une étape ou deux pour la comprendre et la vivre avec elle.

Moins sanglant que le reste de sa bibliographie, Prendre un enfant par la main n'est pas non plus un long fleuve tranquille et quelques histoires en parallèle viennent maintenir une tension constante. Quelques passages retournent quand même bien l'estomac. le seul inconvénient, c'est qu'à nouveau quand on est dans la lecture de ces histoires annexes, le lecteur fait bien trop vite le lien avec l'histoire principale. C'était le petit défaut que je reprochais déjà aux précédents romans de l'auteur, et si j'avoue m'être tout de même laissé berner sur la fin, ça n'est pas suffisant en terme de rebondissements inattendus.

Cela étant, c'est encore une fois un livre quasiment impossible à lâcher. Même si on fait vite certains rapprochements, le plaisir de lecture est là. La multiplicité des narrateurs, la tension sous-jacente, les chapitres courts qui donnent du rythme au récit : Autant d'éléments qui font qu'on a envie de connaître la suite. Parce qu'on a beau relier facilement les pièces du puzzle ensemble, on ne sait pas quelle tournure vont prendre les évènements.
C'est un excellent page-turner avec lequel l'ennui ne pointera jamais le bout de son nez.

Et parmi les personnages dont je n'ai pas parlé encore, il y a la commissaire Jeanne Muller que j'aimerais beaucoup retrouver dans un futur roman.
Le livre tient davantage du suspense psychologique que du polar mais cette policière haute en couleur, malgré toute sa solitude, apporte beaucoup d'ironie mordante et d'humour, allégeant parfois la noirceur du roman. Avec Gabrielle, c'est vraiment elle que j'étais le plus ravi de retrouver au fur et à mesure des chapitres.

Difficile de conclure en sachant que l'auteur lit nos avis également. Et que d'autres lecteurs ont été davantage conquis. Mais à mon sens, il manque toujours ce petit quelque chose pour se démarquer totalement d'autres écrivains de suspense domestique, même s'il y a bien un style FX Dillard reconnaissable en quelques chapitres. Ca tient toujours à cette facilité pour le lecteur de relier les histoires entre elles alors que les surprises auraient pu nous impacter beaucoup plus. Et à cette impression de voir certains passages occultés alors qu'ils auraient pu approfondir notre connaissance des personnages et de leurs liens.
Mais c'était un excellent moment de lecture.
A défaut d'être une lecture aussi inoubliable que l'avait été Sans elle, sur un thème similaire.


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