Paroles d'auteurs - Amélie Antoine, Aux quatre vents
On devrait toujours faire les choses au moment où l'on a envie de les faire, sans tergiverser, sans vouloir être raisonnable, sans remettre à plus tard. Parce qu'on ne sait jamais s'il y aura un plus tard en réalité. Et il suffit d'un minuscule grain de sable pour que le "plus tard" se transforme en "trop tard", pour que l'espoir se métamorphose en regrets. La pire erreur qu'on puisse faire, dans la vie, c'est d'être raisonnable. De temporiser, de douter, d'attendre. Au lieu de se contenter de vivre.
A-t-on conscience, lorsqu’on vit quelque chose, que ce moment se transformera en un souvenir qu’on chérira de toutes nos forces plus tard ? La plupart du temps, non. Mais parfois, tout au fond de soi, on sent que quelques instants de joie sont en train de se graver dans notre mémoire au moment même où ils se produisent, on est capables de ressentir ce processus d’enregistrement, de se dire qu’on ne les oubliera pas.
Qu’un jour, c’est à ces bribes de vie qu’on se raccrochera à tout prix.
Personne ne peut comprendre sans juger, jamais. On croit pouvoir écouter les autres de façon impartiale, mais c’est faux. On juge, toujours. Même si on voudrait ne pas le faire, on n’y parvient pas. On approuve ou on désapprouve, on félicite ou on condamne, on absout ou on lynche, ceux qui prétendent le contraire sont des menteurs ou des naïfs.
Tout lui manque, en permanence. Où que sa mémoire se pose, il en arrive toujours à la même conclusion : ils avaient tout pour être heureux.
On peut se sentir en symbiose totale avec quelqu’un qu’on vient de rencontrer, comme on peut ne jamais se permettre d’être vraiment soi-même avec une autre personne, malgré les mois qui passent.
Il paraît que quand on se noie, il faut se laisser couler jusqu’à atteindre le fond et pouvoir donner un bon coup de pied pour remonter à la surface. Mais il faut faire quoi, quand on a le sentiment qu’on n’aura jamais fini de descendre dans les profondeurs et qu’il y aura toujours plus, toujours pire ?
Quand les parents sont à la maison, je mets mon casque et je m’isole avec cette mélodie tragique en dévorant la boîte de chocolats de Noël qu’ils m’ont rapportée du supermarché. Je m’empiffre et je m’en fous - merde, à la fin ! Je compense mes excès avec des unités d’insuline supplémentaires, pas de quoi s’en faire plus que ça ; je ne vois pas pourquoi les diabétiques n’auraient pas le droit à une peine de cœur comme tout le monde.
Mais au fond de moi je ne serai pas dupe. Je pourrai peut-être tromper les autres mais pas moi-même. Je pourrai peut-être obtenir leur pardon mais jamais le mien.
On ne devrait jamais confronter les souvenirs forcément enjolivés et emplis de nostalgie à la dureté du présent et du temps qui passe.
Peut-être que cette légende que maman nous racontait parfois, le soir, quand on était petits, est vraie. Cette histoire un peu folle d’un temps où nous formions une seule et même créature avec notre âme sœur, une créature à deux visages, quatre bras et quatre jambes. Jusqu’à ce qu’un dieu en colère sépare toutes les âmes sœurs et que nous nous retrouvions sur terre, malheureux comme les pierres, a tenter de retrouver celui ou celle qui jadis était notre moitié.