Fuir l'Eden

Ma tête bourdonnait. Je ne sais pas pourquoi. La vie.
Tu as beau retourner les choses dans tous les sens, il y a toujours un truc à l’envers, comme quand tu tiens un livre devant un miroir.
Sauf qu’un bouquin tu peux le relire si tu as du temps à tuer.

L'attente n'existe plus. L'espoir a peine. L'angoisse elle, est partout. Aujourd'hui, c'est la maitrese du jeu.

" Ce monde est terrifiant. Les peines de prison ne prennent jamais fin. La liberté, pour ceux qui sortent d'ici, n'est pas la même que pour les autres. Les stigmates de l'incarcération ne cicatrisent jamais."

Un jour, je lui ai demandé si elle avait aimé sa jeunesse. Elle a marqué un silence et a murmuré « l’enfance reste l’enfance. Qu’on la chérisse ou qu’on la maudisse, elle détermine notre destin. »

Moi, je n’ai pas trop d’avis sur les filles. J’ai grandi avec l’autre qui ressasse que toutes les femmes sont des salopes et qu’il espère que Lauren tournera mieux que sa mère.

À vrai dire, Ben et moi sommes un peu la crème de l’Eden ; on ne deale pas, on ne rackette pas les petits, on ne se balade pas avec un couteau ou un marteau dans la manche, on ne fume même pas de beuh. Enfin pas souvent.

Ce n’est pas uniquement la peur qui m’a fait bander ; c’est sa beauté sauvage. Lorsqu’elle s’est relevée, les cheveux ébouriffés par le souffle de l’express, son regard vert a harponné le mien.
Mon cœur en palpite encore.


 


Je demeure bras ballants devant Clapham Junction sans


savoir quoi faire.
Partir à sa recherche ?
J’ignore dans quelle
rue elle s’est engouffrée.
Retourner à la gare, sauter dans le
premier train pour Waterloo et rejoindre Ben et Pav à Banksy
Tunnel ?
L’idée de me trouver à nouveau sur le quai me rend
malade.
Ce sac, que je serre contre moi, a réveillé un écho.

Je rebrousse chemin en direction de l’arrêt de bus en face de
l’Eden.
Lorsque je dépasse l’empreinte de renard dans le
bitume, celle-ci me nargue et me propulse huit ans en
arrière.
Les femmes, comme le temps, s’échappent parfois
pour exister.
À travers sa vitrine, le

Les mecs sont doués, il gaut dire. Enfin, les mecs, il y a plein de filles aussi, tout aussi douées, si ce n’est pas plus. Une, surtout, que Ben aime bien. Elle a un nom de duchesse dont je ne me souviens bien. Ils ont passé la journée d’hier à bosser sur un tableau commun.Les premières photos sont grandioses.

Classé, ça ne veut pas dire que c’est beau, ni même entretenu, juste qu’on interdit aux habitants de faire quoi que ce soit qui pourrait contrarier la vision artistique de l’architecte qui n’en a sûrement rien à foutre depuis son cimetière.
C’est formulé comme ça - la vision artistique, pas le cimetière -dans la circulaire qui met les nouveaux arrivants au parfum et encombre nos boîtes aux lettres chaque année.

A Lauren, je racontais des anecdotes construites de toutes pièces… Je traquais les traits de caractère de notre mère dont ma sœur et moi avons hérité – je renie tout de l’autre – pour en faire les prémices d’un passé fantasmé