Fuir l'Eden

Les mecs cherchent d’abord à baiser. C’est un fait. Celui qui dira le contraire se raconte des histoires. Ce sont les filles qui nous apprennent le romantisme, quand on commence à avoir un peu d’expérience et encore, souvent on fait semblant pour pouvoir les emballer. Et elles, ellesnous font poireauter pour mieux nous harponner.

je mentais ma mère à ma soeur. Je ne la racontais pas, je la mentais. Au début je m'agrippais à mes propres souvenirs pour inventer une mère heureuse dans une vie qui n'a jamais
été la sienne. Mais ceux-ci se sont vite taris. À neuf ans on ne pense pas à les engranger. On s'imagine qu'une mère c'est pour toujours et puis, comme tous les gosses, on se nourrit d'égocentrisme: les seuls souvenirs qui comptent sont ceux
dans lesquels on figure. J'ai menti à Lauren ce manque que nous portons tous les deux au plus profond de nous. Pour cacher mon ressentiment envers celle qui nous a abandonnés, je nous ai fabriqué un idéal de carton-pâte. Je l'ai embelli, décoré, je l'ai enrobé d'illusion. Je nous ai bernés,
ma si petite sœur et moi. Je voulais à tout prix lui épargner le questionnement haineux qui me hante toutes les nuits depuis huit ans : pourquoi nous as-tu lâchés comme ça ?

Elle parvint à colmater d'amour les fissures de l'abandon en nous racontant, dès que l'occasion se présentait, l'enfance de cette mère qui avait brisé la nôtre. Elle se faisait un devoir
d'entretenir l'espoir, convaincue que celui-ci faciliterait le pardon, le moment venu, lorsque sa fille réapparaîtrait enfin.
J'en voulais à ma mère et me demandais comment je réagirais si elle surgissait de nouveau dans nos vies. Je lui en veux toujours, mais Lauren l'idéalise, alors je la maudis pour deux, en silence, en mettant de côté ma rancœur, afin de ne pas abîmer les illusions de petite fille de ma petite sœur .

« Claire a raison, l’enfance reste l’enfance, qu’on la chérisse ou qu’on la maudisse, mais à quel foutu moment bascule-t-elle de l’un vers l’autre ? Quand ta mère n’est plus là pour amortir les coups ? Quand tu te plies en deux et que tu te laisses tabasser, tabasser jusqu’à ce qu’il ait eu sa dose ? Quand tu es rassuré parce qu’il trop bourré pour se déchainer sur ta sœur ? »

« Claire dit que c’est toujours comme ça quand on aime les gens. Lorsqu’ils te déçoivent, tu t’en veux d’être fâché contre eux.»

- Vous êtes jeune, accusa une voix aux accents snobs.
- J’viens d’avoir quinze ans, M’dame.
- Vous lisez bien ?
- Faut voir, j’crois qu’oui.
- Il faut voir, je crois que oui. Commence par articuler. J’enlève cinquante pence par syllabe que tu avaleras. Tu viens de perdre deux Livres sur ton premier salaire.
- J’rêve ou quoi ?
- Deux Livres cinquante.
- Eh oh ! C’est quoi c’te délire !
- Trois livres en moins de vingt secondes. Nous allons faire des économies, Amélie.

On ne quitte jamais vraiment l’Eden, un seul regard suffit à nous y emprisonner de nouveau.

Pav fourrait un pot rapidos sous son bonnet. Ça lui gelait la tête mais il prétend que, comme il est polonais – il s’appelle Pawel – il est immunisé contre le froid. Il dit beaucoup de conneries de ce genre. Avec sa gueule d’ange, il passait pour un gamin sans histoires et n’éveillait pas le moindre soupçon chez l’agent de sécurité. Le mec n’intervenait jamais ; les riches, ça ne vole pas. Sauf les cleptomanes mais on leur a inventé une maladie pour qu’il ne finissent pas en tôle.

Elle est la seule à croire que nos mondes convergeront un jour ailleurs que dans un tunnel.

J’aperçois un couple. Ils se câlinent et s’embrassent sans prêter attention à l’autobus qui ralentit sous leurs vitres. Ils s’enlacent, se caressent et se murmurent des petits mots en riant ? Le temps d’un feu rouge, j’entrevois ce qu’aimer veut dire.