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Critique de PhilippeCastellain


Le Joueur' a la réputation d'être le texte le plus abordable de Dostoïevski. C'est vrai, mais il a de mon point de vue un deuxième intérêt : il illustre parfaitement le curieux rapport de l'auteur aux femmes.

Car enfin, c'est son texte le plus autobiographique ! le démon du jeu, il connait, il en a tâté. Des nuits entières à suivre des yeux la bille de la roulette, des fortunes gagnées et aussitôt perdues, il en a connu. L'oubli de toute préoccupation extérieure, à n'en pas savoir si l'Europe est en guerre ou en paix mais que le rouge est sorti quinze fois de suite la semaine précédente, il en est passé par là aussi. Et qui le tirera de tout cela ?

Une femme ! Une certaine Anna Grigorievna Snitkina… Qu'il avait embauché pour relire le manuscrit du Joueur. Et dont il perdit pas mal d'argent au cours de rechutes. Et certes il ne la connaissait pas encore, mais on n'en constate pas moins que ses personnages féminins sont curieusement stéréotypés.

Il y a d'abord et avant tout la femme détruite, devenue elle-même destructrice. Ici c'est Pauline, dont le narrateur est amoureux, qui elle aussi l'aime, et qui pourtant, après une nuit d'entente parfaite le rejette brutalement et l'abandonne à Mademoiselle Blanche et au jeu. C'est Nastasia Philipovna dans l'Idiot, c'est Grouchenka et Liza dans ‘Les frères Karamazov', c'est Katerina Marmeladova dans ‘Crime et Châtiment'…

La deuxième catégorie, c'est la femme plus âgée, qui joue un rôle stabilisateur et n'en cultive pas moins une excentricité. C'est ici la grand-mère, que tout le monde espère voir mourir et qui surgit brutalement, jaillissant comme un coup de tonnerre avec sa suite et ses domestiques, écrasant tout par sa présence, remettant chacun à sa juste place… Et in fine perdant une fortune au casino. A rapprocher de la mère de Raskolnikov, de la tante du prince Michkine…

Mademoiselle Blanche n'est, je pense, pas tant à voir comme un personnage féminin que comme l'incarnation du vice français pour Dostoïevski. Corruptrice, comme l'élégance de la pensée française ayant séduit la cours des tsars au XVIIIème, et in fine dévoreuse comme la Grande Armée. Seule la Baboulinka, incarnation de l'âme russe, peut résister à son pouvoir de corruption.

Des archétypes dont les modèles sont à chercher dans le passé de l'écrivain. Heureusement pour lui, c'est une femme d'un tout autre acabit qu'il embaucha pour coucher sur le papier ce manuscrit… Et il y a grand à parier que c'est elle qui l'empêcha de finir comme son héros !
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