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Critique de belette2911


"La vallée de la peur" ou comment justifier, presque vingt ans après, l'existence du Tout Grand Méchant qu'on avait sorti un jour de son chapeau !

Là, tout de suite, je vais plus vous parler des coulisses de ce livre que d'autre chose, les autres critiques étant là pour vous aider à vous faire votre propre avis (sinon, lisez-le et faites-vous vraiment votre propre avis).

Petit retour en arrière : lorsque Conan Doyle en eu plus que marre de ce détective qui lui pourrissait la vie (lui qui ne rêvait que d'écrire des romans historiques), il décida de le tuer.

Oui, mais, problème : il fallait un Méchant à la hauteur du détective, pas un minable voyou des rues. Il fallait un final digne du héros qui lui avait fait gagner assez d'argent que pour se déplacer en fiacre s'il le voulait. Un écrivain qui vivait de sa plume, c'était assez rare à l'époque.

Que fit-il ? Un truc d'auteur : il inventa le Grand Méchant Napoléon du Crime Organisé de Londres. Un mec qui régnait en maître sur la pègre de la City, mais le faisait tout en se cachant derrière son métier de professeur de mathématiques. Un type tellement bien camouflé que personne n'avait entendu parler de lui, sauf Holmes.

La preuve ? Watson ne savait même pas qu'il existait ! Noir sur blanc dans "Le dernier problème".

Bref, Conan Doyle met tout ça en place et se débarrasse de l'encombrant détective en le faisant tomber lors d'un combat au corps à corps dans les chutes de Reichenbach. Fin de l'histoire.

"The Adventure of the Final Problem" fut publié en décembre 1893 dans "The Strand Magazine"… Mauvais Noël que pour ses nombreux fans puisque certains portèrent même un brassard noir (et dans les hautes sphères).

Cédant juste un peu à la pression, de août 1901 à mai 1902, Conan Doyle fit publier "The Hound of the Baskervilles", toujours dans "The Strand Magazine".

Conan Doyle s'en tira avec une pirouette en faisant dire à Watson qu'il publiait une enquête jamais encore publiée (sans faire revenir Holmes à la vie puisque publiée du vivant du détective, mais avec un temps de retard). Rusé, l'homme !

Il pensa même ne pas faire intervenir son diable de détective, mais lui donna tout de même un petit rôle… Voilà pourquoi Holmes est si peu présent dans ce roman là.

En septembre 1903, dans le "Collier's Weekly" paraît le retour tant espéré de Holmes : "The Adventure of the Empty House". Et c'est reparti pour un tour pour le plaisir de tous.

Et puis, un jour, Conan Doyle, voulant sans doute donner un peu plus de légitimité à Moriarty, le Grand Méchant dont personne n'avait entendu parler, décide de le faire intervenir dans une enquête de Sherlock, censée se passer bien avant le Grand Hiatus (hiatus = période entre sa fausse mort, le 4 mai 1891 et son retour en 1894).

Voici donc "The Valley of Fear" (La vallée de la peur) publié entre septembre 1914 et mai 1915 dans "The Strand Magazine". 21 ans après la publication où Holmes parlait de Moriarty !

Tout s'éclaire-t-il donc ? le Grand Méchant est légitimé ? Que nenni ! Ça ne résout rien, que du contraire, cela soulève encore plus de questions.

Dont une importante : dans "Le dernier problème" (qui est censé se passer APRÈS "La vallée de la peur" – même si publié avant), Watson ne connaît pas du tout Moriarty !

Extrait "Le dernier problème" :
– Vous n'avez probablement jamais entendu parler du Pr Moriarty ?
– Jamais ! dis-je.
– C'est bien là ce qu'il y a de merveilleux et de génial chez cet homme ! s'écria-t-il. Il règne sur Londres et personne n'a entendu parler de lui. C'est ce qui fait de lui le criminel des criminels. Je n'hésite pas à vous déclarer, Watson, en toute sincérité, que, si je pouvais réduire ce Moriarty à l'impuissance et délivrer de lui la société, je considérerais que ma carrière a atteint son apogée et que je serais tout prêt à adopter un genre de vie plus calme. [...]

Hors, dans "La vallée de la peur", publiée APRÈS "Le dernier problème" mais se passant AVANT, Watson connaît Moriarty !

Extrait "La vallée de la peur" :
– Vous m'avez entendu parler du professeur Moriarty ?
– le célèbre criminel scientifique, qui est aussi connu des chevaliers d'industrie…
– Vous allez me faire rougir, Watson ! murmura Holmes d'un ton désapprobateur.
– J'allais dire : « Qu'il est inconnu du grand public. »

Imaginez mon trouble, mon désarroi, lorsque étant gosse (j'avais 14 ans) je découvris le canon holmésien et que je tombai sur une erreur de logique pareille : un coup il le connait, un coup il ne le connaît pas du tout !

Ce serait correct si "la vallée de la peur" avait été publiée avant "le dernier problème" (puisque Moriarty meurt) et que dans la "Vallée" Watson ne sache pas de qui on parle et que la seconde fois que Holmes cite Moriarty, il sache de qui on cause. Pas le contraire !

Et comme Moriarty était mort dans les chutes et que "la vallée de la peur" se passait AVANT leur face-à-face mortel, j'y ai perdu mon latin.

Watson avait-il des troubles de mémoire ou bien l'auteur avait-il fumé un truc pas net ? Voilà ce qui donne des cheveux blancs aux holmésiens… Conan Doyle avait sans doute envie que l'on s'arrache les cheveux sur cette erreur de logique, 100 ans après sa mort.

Et le livre, qu'est-ce que j'en ai pensé ? Ben, c'est pas mon préféré…

Bon, on cause de Moriarty mais il n'apparaît pas ! Remboursez ! Sherlock Holmes enquête sur le meurtre d'un nommé Douglas, et c'est un homme qu'il suppose faire partie de la bande de Moriarty qui l'a renseigné, mais de Moriarty, même pas l'ombre d'un poil de ses gambettes !

La solution du meurtre, elle est révélée à la fin de la première partie… pourquoi donc s'esquinter à lire la suite qui n'a pas vraiment d'intérêt ?

C'est comme dans "Une étude en rouge" et "Le signe des quatre", il y a une histoire dans l'histoire, mais si les deux autres étaient intéressantes, là, bof, mitigée.

La seconde partie aux États-Unis, dans une vallée minière style trou du cul du monde, où les forces de l'ordre jouent à règlements de compte à O.K Corral avec une bande de malfrats, version société secrète "imitation maçonnique" mais eux, ils sont gore.

Ça nous éclaire sur le passé du quidam, mais c'est assez lourd. Alors que je n'ai jamais ressenti cet ennui dans "Une étude en rouge" ou "Le signe des quatre". Là, l'auteur aurait pu trancher un peu et limiter la seconde partie.

Holmes est peu présent dans le roman. On le voit, lui et Watson uniquement dans la première partie et dans l'épilogue…

Mention minimale de Moriarty dans l'épilogue : on le soupçonne d'être l'expert du crime qui joue les nettoyeurs pour l'organisation américaine, mais rien n'est prouvé…

Bref, ce roman aurait pu se contenter d'avoir la taille d'un nouvelle avec deux fois plus de page qu'une autre, mais un format "roman", il y a trop de temps mort que le plus petit retournement de situation vous fait sursauter.

Et puis, quel affrontement avec Moriarty ?? Bref, un coup d'épée dans l'eau et à trop vouloir bien faire 20 ans après, on fait des boulettes.

Lien : http://thecanniballecteur.wo..
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