Depuis son plus jeune âge, elle connaissait l'existence de sa sœur jumelle, à l'autre bout du monde. Néanmoins, la découvrir en chair et en os la laissait pour la première fois de sa vie sans voix.
Banba la rejoignit.
- Debout, ma fille, dit-elle tout bas. Ne les laisse pas te voir à genoux.
Derrière elle, des éclats de rire et des murmures se propagèrent dans la foule. Elle entendit les mots « pathétique » et « faible ». Pendant un instant, elle crut qu’elle allait d’effondrer et ne plus jamais se relever. Laisser la marée montante l’emporter. Avec un peu de chance, le courant déposerait son corps à Anadawn. Là où était sa place.
Dans ces pires cauchemars, elle rêvait d'un pouvoir qui la consumait comme une fournaise, embrasant ses veines et ses os jusqu'à ce qu'elle se réveille en hurlant. Peut-être qu'un recoin de son esprit avait toujours su qu'une magie dormait en elle, prête à jaillir et à détruire sa vie soigneusement ordonnée.
Diantre, elle était Rose Valhart, la fameuse beauté d'Eana ! Captive ou non, elle ne pouvait tout simplement pas se permettre d'errer à travers le pays avec l'allure d'un rat mouillé. Surtout si elle comptait être secourue rapidement. Il ne fallait en aucun cas que ses sujets la découvrent dans cet état lamentable.
- Pardonne-moi d'avoir cru qu'il y avait quelque chose entre nous, Wren. J'ai dû mal interpréter tes gémissements, hier soir.
- Cette fois, ne pense pas à l'Inspirateur. Ta haine embrume ton esprit.
- Comment tu sais que je pense à sa sale face de rat ?
- Parce que je lis en toi comme dans un livre ouvert.
- Tu sais lire ?
- Tu parles trop, sorcière.
- Qui vous a appris à vous battre ainsi ?
- Les écureuils d'Anadawn.
- C'est profond ? Je ne sais pas nager, avoua-t-elle, un peu honteuse.
- Aussi profond que l'est ta confiance en moi, lança Shen.
- Dans ce cas, l'eau ne doit même pas m'arriver aux chevilles.
- Je m'appelle Rose, lança-t-elle sèchement. Je m'y connais en épines.
Démoliras-tu ces grilles dorées pour laisser entrer ton peuple ? Pour me laisser passer ?