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Critique de Ys


Difficile d'avoir pour père un génie. Surtout quand ce génie - reconnu de son vivant comme le plus grand poète de langue anglaise - ne sait mettre de sentiment que dans ses oeuvres et traite son propre fils avec une insensibilité glaciale. Surtout quand ce génie ne songe à faire de vous qu'un digne successeur, une copie idoine, vous enferme dans les livres, dans l'étude, jusqu'à vous les faire détester, et ne vous témoigne évidemment qu'un mépris écrasant quand vous vous révélez indigne de ces hautes attentes.
Un jour, un mouvement de révolte désespérée met fin à tout ça, Dick s'enfuit du foyer paternel et le voilà désormais sur un pont, dans les fumées de Londres. Prêt à sauter. Terrifié par son geste mais incapable de trouver une raison d'y renoncer. Et puis deux mains se posent sur ses épaules, le retiennent, un homme, un sourire, le raccrochent à la vie. Un homme plus âgé, qui a déjà beaucoup vécu, qui trouve absurde de gâcher ainsi ses vingt ans, qui l'entraîne avec lui, devient l'ami, le compagnon, le frère aîné, le père de substitution dont il a tant besoin pour apprendre, enfin, à exister. Mais leurs voyages n'auront qu'un temps, le plus beau, celui de l'évasion, des découvertes, de la jeunesse enfin - et après cela, que devenir ?

Lecture pas inintéressante mais diablement pesante que cette Jeunesse Perdue, qui me laisse au final très partagée. D'un côté, des thèmes toujours puissants (le poids de l'éducation et des dysfonctionnements familiaux sur le développement d'une personnalité, la difficulté à être par soi-même, les pouvoirs de l'amitié, les mirages de l'amour, la force vivifiante mais bientôt décevante des illusions, le difficile apprentissage de soi), un portrait psychologique implacable et assez fin, quelques scènes superbes, qui m'ont touchée presque aux larmes par la seule force de l'écriture. de l'autre, un personnage principal extrêmement déplaisant, simplement agaçant et puéril tant que Jake est encore là pour le soutenir, puis pour lequel j'ai vite perdu toute capacité d'empathie, en compagnie de qui j'ai eu, de plus, en plus, le sentiment d'étouffer. Un esprit étroit, mesquin et creux, qui a fait siens tous les préjugés de son temps sur la vie, l'amour, le sexe, les femmes... dont mêmes les rêves sont artificiels tant il n'a pas en lui assez de puissance, assez d'individualité pour rêver vraiment.
Tout cela, évidemment, se justifie assez bien par son éducation écrasante, par le propos même du roman (un médiocre qui apprend à s'assumer comme tel en renonçant peu à peu aux rêves trompeurs de sa jeunesse) mais... mais, un petit supplément d'âme, de personnalité, n'aurait certainement pas gâché le propos, aurait même pu le rendre plus subtil et percutant. D'autant que je ne suis pas absolument certaine qu'il n'y ait pas là un brin de maladresse de la part de l'auteur, dont la plume est déjà belle, percutante, mais qui a encore besoin de prendre un peu de bouteille pour mieux maîtriser les dérangements de ses personnages.
Lien : http://ys-melmoth.livejourna..
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