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Critique de Fleitour


Cette maison, "qui donnait l'impression de porter un deuil minéral, d'émettre dans la fréquence des ténèbres.p121", cette maison, Jean-Paul Dubois l'esquive et sans cesse la fuit, la met « en orbite ».

Est-ce la sienne cette maison en plein coeur de Toulouse, il n'en est pas si sûr, des morts l'habitent encore, certains lits froissés, certains meubles attendent l'arrivée de quelqu'un mais jamais lui. Il en est sûr.

Et quand il y habitait, il avait cette impression de transparence, de ne pas être reconnu, sa maman le prenait rarement dans ses bras, la pendule de la tendresse était depuis longtemps arrêtée, en panne.
La tendresse n'était pas une priorité pour ces horlogers, les Gallieni, sa maman Anna, et son Oncle Jules semblaient, eux, mettre au point l'heure dernière.

Pourquoi parler de succession, même si son père médecin, lui avait imposé des études en médecine, ses goûts étaient ailleurs.
La découverte de la pelote basque, puis son entrée dans le Jaï-Alaï de Miami lui ouvre quatre années prodigieuses. Si loin de Toulouse il ne se doutait pas que ses gènes allaient le rattraper, et que son père Adrian Katrakilis viendrait lui rappeler une famille.

La succession, mais laquelle ? Quand "Ceux-là même qui m'engageait tant à leur ressembler, s'étaient donné la mort. le dernier juste après avoir franchi la barre de 77777 miles avec sa Triumph." p 30.

Il ne reste rien ou si peu.

En réalité, la découverte de deux carnets soigneusement annotés, va bouleverser sa vie. Il y a du Modiano dans la façon de donner du sens aux détails qui font son histoire.
Le soin avec lequel son père consignait certains faits, rend la découverte glaçante.

Et voilà que l'autre est réapparu !

Il ne sera plus le même ou peut être le successeur, méticuleux d'une famille qui s'était donné pour modèle la famille Hémingway, six suicides, le décompte n'y était pas, pas encore.

Ce récit de Jean-Paul Dubois résonne comme un cri, comme celui poussé à la dernière page, un cri de noirceur et de désespoir, l'amour qu'il avait enfin touché le fuit douloureusement, sa très belle Lunde, rose immarcescible se fanera.

Deux mondes se font face en Floride celui de l'amitié et de l'amour, à Toulouse celui des souvenirs, des légendes familiales et des morts. Ce jeu subtil Jean-Paul Dubois le poussera jusqu'à l'absurde, ses racines, son arbre de vie portent le deuil, dans l'indifférence des rescapés, comme son père, les Katrakilis et les Gallieni sont des artistes, ils savaient mourir à n'en plus finir.

On touche aussi au sublime dans cet amour si fort et si désintéressé pour Lunde.
L'amitié omniprésente, guide l'optimisme de deux amis, Paul et Epifanio, inséparables, Epifanio toujours là aux coté de Paul quels que soient leurs avatars, les grèves comme leurs triomphes.

L'absurde baigne, irrigue le roman, l'abreuve et lui donne ses plus belles répliques, comme : 'Je vomissais avec l'application et la constance d'un Anglais en vacances"  Watson son chien, l'autre inséparable ami, n'est pas en reste, « il avait plus d'élan vital que tous les Katrakilis réunis. »p38
La famille est en ébullition permanente dans cette maison de fou, le vieux en slip ne laisse rien paraître, le soir de la mort de sa femme, il dînait, et pris sa part de fromage Bethmale affiné. Et pourquoi avoir annoncé sa mort sous la forme d'un rébus d'équations factorielles !

Ce livre est un nouveau bijou, un langage raffiné comme la cuisine de Lunde, qui sert un récit d'une funeste âpreté, peut-on aller plus loin encore dans la douleur avec une telle retenue ?
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