Jean Jaurès

«  C’est qu’au fond , il n’y a qu’une seule race : L’Humanité . »

«  Quel que soit l’être de chair et de sang qui vient à la vie, s’il a figure d’homme, il porte en lui le genre humain » …

Accorder du sens aux mots, observer la pratique, ranimer les questions, Jaurès se donne des principes d’action qui relèvent de la pensée et qui, en même temps, soutiennent l’action. Celle-ci appelle du courage, le courage de la vérité que Jaurès exige pour lui-même comme il le demande à ses adversaires. Il veut une politique sincère. Il rejette « cette sophistication sournoise de l’idée républicaine » qu’acceptent bien des républicains.

L’attitude philosophique de Jaurès donne à sa pensée politique cette actualité critique d’une présence morale qui demeure, un siècle après sa disparition. Il est temps que cette actualité critique traverse les commémorations, donnant des nouvelles raisons de connaître Jaurès et de réfléchir à sa postérité, d’imaginer des postérités modernes. Il est temps de réfléchir à la dignité politique au XXIe siècle.

Il est temps aujourd’hui de reconnaître sa contribution au pouvoir de la philosophie lorsque celle-ci assume le mouvement politique et social. Jaurès ne s’est pas contenté de tracer une pensée de l’humanité, de la justice et du progrès. Il s’est préoccupé du sort concret des individus, de leur vie matérielle et intellectuelle, de leur existence au ras du sol. Son effort permanent pour éclairer le sens des choses et des événements a aidé les personnes et les citoyens à se situer dans le monde, c’est-à-dire à devenir libres de comprendre, étape indispensable à la liberté d’action. Cultivant l’art des sommets, il s’est toujours préoccupé de la base, les sociétés présentes et leurs injustices visibles ou invisible

...« la petite propriété paysanne renie son égoïsme d’isolement d’autrefois et entre dans la pensée sociale, dans l’idée d’organisation, dans l’idée de statistique, de science, de contrôle, de production sociale et organisée », la société libérale elle-même, « l’oligarchie tyrannique d’aujourd’hui », est « mère du désordre et de l’impuissance » ; il faut aller vers une société nouvelle, « non pas l’État bureaucratique et despotique, mais la démocratie coopérative des travailleurs ».

« Sera dupe qui voudra ! Sera complice qui voudra ! Mais c’est notre droit jusqu’au bout, quelle que soit l’intrigue qui ait miné le terrain, d’avertir la majorité républicaine dont nous sommes […]. Ce que vous reprochez au ministre de la Guerre, ce que vous ne lui pardonnez pas […], c’est d’avoir courageusement, depuis quatre années, assumé la tâche difficile de reconstituer dans l’armée l’esprit républicain. »

Plus encore que la philosophie, l’histoire est pour Jaurès un moyen de valider et d’exprimer le projet socialiste qui dépasse tout autre savoir. Ce schéma explique probablement que Jaurès ne soit pas allé au-delà de cette conception classiquement utilitaire et qu’il ne se soit pas rapproché de la réflexion critique lancée au début du siècle par les historiens proches de la sociologie durkheimienne.

C’est la liberté qui unit tous les fils de la France dans la sagesse : c’est elle qui, comme elle fait notre fierté au-dedans, fait notre force au-dehors. Désormais, quoi qu’il arrive, que nous ayons, comme nous l’espérons bien, la paix, ou au contraire, par la criminelle folie de l’agresseur, la guerre sainte pour notre France bien aimée, liberté et patrie sont inséparables. 

Les philosophes des Lumières que Jaurès connaît et admire ont prouvé qu’ensemble la politique et la philosophie forgent la démocratie. Ceux de la République, pour certains, suivent le même chemin. Jaurès veut s’en persuader, car la politique l’appelle de plus en plus fortement sans qu’il puisse renoncer à la philosophie. Il ambitionne de fonder la politique dont il rêve sur l’exercice exigeant de la pensée.