Citations sur Clé de coeur (22)
On apprécie le chatoiement des couleurs, la richesse d'un tableau, le moelleux d'un fauteuil. On évolue à l'aise dans un cadre spécialement conçu pour soi. On manipule avec bonheur des objets sélectionnés pour le confort et le plaisir. On confère une âme au décor nous entourant, car on le choisit à notre ressemblance. Et d'y contempler notre propre image nous sécurise.
Mais que survienne une crise existentielle, que soufflent des vents dévastateurs et semeurs de mort, et le bel environnement rassurant s'effondre et n'existe plus. L'essentiel ne se trouve pas là, de toute évidence. Mais à quoi se raccrocher pour tenir le coup, garder le cap sur l'espoir?
Dans mon milieu, la performance se nourrit d'adulation et de flatterie. Et les femmes sont féroces, crois-moi. Certes, on reconnaît le talent et on le porte bien haut, mais combien de femmes douées se sont rapidement transformées en artistes prétentieuses et présomptueuses, aux limites du supportable. Tandis que toi, Mireille, tu pousses l'ingénuité jusqu'à ignorer tes propres habiletés, renonçant même à les développer par humilité. Pourtant, Dieu sait que le talent et la facilité ne te manquent pas!
Vous avez raison, l'amour ne suffit pas. Mais l'amour et la science peuvent devenir des partenaires formidables pour contrer le destin. Vous ne manquez pas d'amour, je m'occupe de la science.
Le temps peut guérir toutes les blessures.
Le soleil finit toujours par se montrer après l'orage.
Pour la première fois, elle ressentait la honte, la honte des filles-mères. La honte de celle qui portait en elle le fruit du péché. La honte de celle qui n'avait pas su prévenir la conséquence de ses actes sexuels. Avec un homme marié en plus! La honte de celle qui avait triché, menti, trompé. Elle se mit à larmoyer. Non, ce n'était pas vrai! Elle n'avait pas péché, son amour pour Paul était sincère. Et elle avait le courage de garder son enfant, alors elle avait le droit de relever la tête et de regarder Robert droit dans les yeux, d'un regard franc et direct.
On prend toute une vie à se bâtir un honneur, et il suffit du plus petit écart ou de la moindre erreur de parcours pour tout jeter par terre.
La mort se montre plus effroyable envers ceux qui restent que pour ceux qui partent. La vie crée des liens que l'on croit indestructibles, si profondément enracinés au fond de nous-mêmes que de les arracher nous fait mourir un peu. La faucheuse ne tue pas qu'une seule créature à la ibis, elle détruit en même temps une partie de ceux qui la portent dans leur cœur. Pendant des années, des êtres se rapprochent jusqu'à se fusionner et se reconnaître l'un dans l'autre. Puis un bon matin, bien souvent sans avertir, la mort s'empare de l'un et l'anéantit dans le silence et l'absence. On se console avec l'idée que l'être aimé continue d'exister à l'intérieur de soi, mais au fond, on sait bien qu'il ne reviendra pas de là où il est allé et ne répondra plus jamais concrètement à nos confidences et à nos prières. Le vide s'installe alors et n'a d'égal que l'horreur du désespoir.
Alors la profession de flûtiste sans amour resterait toujours une solution de compromis, la profession d'une femme brimée et frustrée dans ses aspirations profondes. La profession d'une femme malheureuse. Et le malheur ne garantissait en rien le succès d'une carrière musicale, bien au contraire.
D'avoir fait l'amour avec le pianiste l'avait menée vers une autre dimension de l'existence, dans une sphère infiniment plus élevée que les futiles préoccupations de trac et d'énervement au seuil d'un concert. Elle avait effectivement « cassé la glace », mais ce succès ne constitua pas une victoire musicale significative pour elle et ne la réconcilia pas avec l'idée de se produire en public.